Richelieu ou la quête d'Europe
Rodolphe II ouvre les hostilités : il riposte à la prise de position du comte palatin et de l’électeur de Brandebourg en refusant d’entériner le principe de succession en ligne féminine. Il décrète la mise sous séquestre des duchés et l’archiduc d’ Autriche est chargé par l’empereur de l’exécution de la décision. Avec l’aide des soldats espagnols stationnés aux Pays-Bas , Léopold s’empare de la ville de Juliers .
En réaction à la formation de l’Union évangélique, les princes catholiques, de leur côté, s’organisent eux aussi. Au mois d’août, ils forment une ligue, menée par le duc de Bavière , Maximilien i er . Celle-ci se compose de l’archiduc Léopold, des évêques de Würzburg , d’ Augsbourg , de Ratisbonne et de Constance , de l’abbé de Kempten et du prieur d’Ellwangen. Quelques semaines plus tard, ils sont rejoints par les évêques de Spire , de Worms , de Bamberg , et surtout par les électeurs ecclésiastiques de Cologne et de Mayence , qui renoncent aux pensions versées par Henri IV pour accepter celles du roi d’ Espagne .
Le roi de France est hésitant sur la conduite à tenir. Le margrave de Brandebourg et le comte palatin redoutent autant son aide que la guerre avec l’empereur. Fin novembre, le prince de Condé, premier prince du sang, s’est réfugié à Bruxelles , pour soustraire sa jeune épouse, Charlotte de Montmorency, aux assiduités du Vert Galant. Dans la pensée politique de l’époque, un prince du sang est en droit de participer au gouvernement, comme il est en droit de se révolter s’il juge que son souverain se conduit en tyran. Le propos développé par Juan de Mariana n’est pas resté lettre morte [4] . Dans les dernières semaines de 1609, la fuite de Condé offre aux Espagnols l’occasion rêvée de raviver les guerres civiles en France . Puis, le 20 décembre, l’archiduc Léopold publie les bans lancés par Rodolphe II contre les « princes possédants ». Les princes protestants, inquiets, finissent par solliciter Henri IV. Le 30 janvier 1610, le représentant du roi de France auprès de l’Union évangélique, Boissise, obtient non seulement que cette dernière soutienne par les armes le margrave de Brandebourg et le comte palatin de Neubourg contre l’archiduc Léopold, mais également qu’elle fournisse des renforts au roi très chrétien en cas d’attaque par les Espagnols. Dans le même temps, Henri IV dépêche à Rome le cardinal de La Rochefoucauld pour défendre sa position. Le souverain Bourbon souhaite en priorité endiguer la montée en puissance des Habsbourg le long du Rhin. Le 11 février, l’Union évangélique confirme les engagements pris auprès de Boissise et conclut une alliance offensive avec la France. Henri IV prépare déjà une imposante en armée en Champagne .
Depuis François i er , les rois de France se trouvent confrontés au danger de l’encerclement du royaume par les héritiers de Charles Quint. Le projet de monarchie universelle semble ne plus avoir d’objet depuis la partition de sa succession, mais le souvenir des interventions de Philippe II d’ Espagne et du duc Charles III de Lorraine aux heures les plus sombres de la Ligue reste vivace dans l’esprit d’ [5] Henri IV.
Les Habsbourg détiennent l’ Espagne , les Pays-Bas espagnols, ainsi que la Franche-Comté ; ils dominent également l’ Alsace et, dans une moindre mesure, la Lorraine . Traditionnellement, le duc de Savoie est l’allié du roi catholique, tout comme le duché de Toscane et la Lombardie . À Vienne , la branche cadette de la dynastie Habsbourg est détentrice des couronnes électives de Bohême , de Hongrie et de la dignité impériale.
La paix de Vervins a pourtant renforcé la position de la France au plan européen. Le traité a mis un terme à l’intervention étrangère à l’intérieur du royaume de France et à l’intervention française aux Pays-Bas . Après la sécession des Provinces-Unies , le roi d’ Espagne a confié ces mêmes Pays-Bas à sa fille, l’infante Isabelle-Claire-Eugénie, et à son gendre, l’archiduc Albert. Puis, le 9 avril 1609, la Trêve de Douze ans est acceptée par l’Espagne, grâce à la médiation de Pierre Jeannin, président au parlement de Paris et intendant des finances d’Henri IV. Madrid est contrainte de reconnaître de facto l’indépendance des Provinces-Unies et le rôle de la France dans ses propres affaires.
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