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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vieille baraque humide n’a jamais servi qu’à ça. Axel pourra perpétuer la tradition, coupa Flora en fixant son filleul.
     
    Cette interruption valut à l’Italienne un regard acide de Charlotte, à qui le moulin avait longtemps servi d’abri secret pour ses rencontres avec Blaise.
     
    Fontsalte fit opportunément dévier la conversation.
     
    – Dès que les routes seront praticables, je monterai à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, pour porter mon obole et celles des grognards du café Papon aux religieux qui veillent sur la dépouille du général Desaix, annonça-t-il.
     
    Une souscription publique était ouverte à Genève, car les chanoines manquaient d’argent pour réparer les bâtiments de l’hospice et pour améliorer l’habitation des religieux résidents.
     
    La Gazette de Lausanne invitait les Vaudois à souscrire aussi :
     
    « On ne doute point qu’en France et en Italie, tous les particuliers aisés qui ont été à même d’apprécier les soins généreux que les voyageurs de tous pays et de toutes religions reçoivent dans cet hospice ne s’empressent de répondre à cet appel. Ils savent que le couvent du Grand-Saint-Bernard, vrai temple élevé à l’humanité dans la plus haute région habitable d’Europe, ne subsiste que d’un revenu borné, qui serait loin de suffire à l’immense bienfaisance qui s’y exerce sans des quêtes annuelles, et que c’est au prix de leur santé, et souvent de leur vie, que les pères du Saint-Bernard s’acquittent des héroïques fonctions que leur imposent leurs vœux. »
     
    – J’irai volontiers avec vous. Je ne suis jamais monté à l’hospice. Et nous pourrions peut-être, chemin faisant, tirer quelques chamois, proposa Axel.
     
    L’idée fut retenue et, en regagnant Vevey par grand gel d’un hiver encore sans neige, le jeune homme tenta d’imaginer le jour où il pourrait inviter le général à Rive-Reine sans provoquer réprobation et commentaires désobligeants.
     

    Quelques mois plus tard, au printemps 1822, il eut l’occasion de mesurer l’influence insidieuse des préjugés. Axel avait, depuis longtemps, accepté d’être, avec son ami d’enfance Louis Vuippens, qui terminait ses études de médecine, garçon d’honneur des jumelles Ruty. Quand vint le moment des invitations, Élise Ruty envisagea spontanément de convier Charlotte, sa meilleure amie, et Flora Baldini aux mariages de ses filles. Or, contre toute attente, ce fut le père des fiancées, le notaire Charles Ruty, qui déconseilla fermement à son épouse d’inviter l’ex-M me Métaz à la cérémonie religieuse « pour ne pas obliger le pasteur à recevoir dans son église une catholique divorcée », dit-il.
     
    Élise, perplexe et ennuyée, vint trouver Axel à Rive-Reine et s’ouvrit de cette interdiction implicite qui la désolait.
     
    – Je suis convaincue que notre pasteur n’a pas l’esprit aussi étroit que Charles. Ta mère a vu venir au monde Nadine et Nadette, et les jumelles l’aiment comme une tante. Elle ne me pardonnera jamais pareille exclusion mesquine, dit-elle.
     
    – Je parlerai à votre mari, chère Élise, et je suis certain que les choses s’arrangeront, dit Axel, scandalisé par le pharisaïsme du notaire.
     
    Charles Ruty, jovial, reçut Axel avec l’air satisfait du père qui marie ses filles à d’honnêtes garçons.
     
    – Si tu viens encore me parler bateaux, apprends que M. Church a déjà fondé à Genève une société pour la construction d’un vapeur. Le Conseil d’État de Genève et, maintenant, celui du canton de Vaud viennent de faire savoir qu’ils ne s’opposent pas à ce projet. M. Church a même donné un nom à son bateau, immédiatement mis en chantier. Il s’appellera le Guillaume-Tell .
     
    – Je ne viens pas vous parler bateaux, mais mariages. En tant que garçon d’honneur, il me faut une cavalière.
     
    – Bien sûr, Nadine ou Nadette vont te trouver une belle fille de leurs amies. C’est simple.
     
    – J’ai déjà choisi, Charles. Ce sera ma mère, dit Axel d’un ton catégorique.
     
    – Ta mère ! Tu n’y penses pas, voyons, après ce qui s’est passé ! Et puis, le pasteur…
     
    – Vous savez très bien que le pasteur n’a rien à dire. M. Duloy et sa femme ont dîné, chez moi, en compagnie de ma mère et de vous-même.
     
    – Un temple n’est pas une salle à manger, Axel !
     
    – L’Église réformée reçoit cependant les

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