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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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parler, comme si vous aviez des choses à vous dire.
     
    – Et comment ! répliqua Axel, toujours malicieux.
     
    Nadine, assise à l’écart, sous un arbre, n’avait rien d’une femme défaillante. Ce petit malaise était dû à son état.
     
    – C’est le bébé, dit-elle en réprimant un haut-le-cœur.
     
    – Il est heureux de voir sa mère mariée, tiens ! Voulez-vous une tasse de thé pour deux ? proposa Axel, persifleur.
     
    – Oh ! Arrête de te moquer. Je ne veux rien, seulement que tu me tiennes un peu compagnie en attendant que ça passe, dit-elle en ôtant son voile et la couronne de fleurs d’oranger qui le retenait.
     
    – Sais-tu, ma belle, que si le pasteur avait connu ton état, il t’eût interdit de porter aujourd’hui voile et couronne ? C’est un décret ecclésiastique, promulgué par la Compagnie des pasteurs de Lausanne, le 14 juillet 1675. Oui, madame, la vénérable Compagnie refuse le port de ces symboles de pureté aux demoiselles… qui ne le sont plus. J’ai appris cela, autrefois, à l’Académie !
     
    – Tais-toi, tais-toi ! Déjà que je me demande si ça ne se voit pas. J’ai l’impression que tout le monde regarde mon ventre.
     
    Axel rassura son amie, lui fit compliment de sa beauté et l’aida à se relever. En rejoignant les invités, Nadine lui rappela que lorsqu’ils étaient enfants elle avait cru, comme Nadette, qu’il les épouserait toutes deux.
     
    – Je m’en souviens. Comme nous étions bêtes et heureux ! Mais je crois n’être pas fait pour le mariage, même avec une seule épouse, lança-t-il, goguenard.
     
    Au commencement du souper, qui réunit, autour des mariés, parents et amis intimes, dans la salle de restaurant de l’hôtel de la Ville-de-Londres, sur la place du Marché, une vieille femme du pays, tenant le rôle tutélaire de la bernada 15 , vint asperger la tête des jumelles et les invités de grains de blé et poignées de fruits secs, destinés à favoriser la fécondité de l’épouse et une abondance de biens au foyer.
     
    – Pour ce qui est de la fécondité, vous êtes tranquilles, glissa Axel à Nadine.
     
    – Si j’avais épousé un gendarme, personne n’y trouverait à redire, même pas le pasteur, répliqua Nadine.
     
    La jeune femme faisait allusion à une bizarre coutume, alors respectée dans la campagne vaudoise. Un gendarme n’épousait une jeune fille qu’après s’être assuré de son aptitude à procréer ! Cette procédure n’entachait en rien l’honneur de la fiancée 16 et assurait la relève dans l’arme la plus respectée du canton !
     
    Charlotte et son fils se retirèrent avant la fin du bal, mais, avant de quitter les sœurs, Axel glissa à Nadette un petit guide de Venise, rédigé à l’intention des deux couples qui avaient choisi la Sérénissime pour but de leur voyage de noces. Sur quelques feuillets, il citait monuments, palais, tableaux et sculptures, restaurants, salles de danse et donnait quelques conseils, entre autres l’art et la manière d’utiliser les services des gondoliers sans se faire gruger. Il fut même tenté de livrer le nom et l’adresse du comte Ugo Malorsi, de qui il avait récemment reçu des nouvelles, mais il se retint. Dieu sait en quels lieux le vieux libertin eût conduit les belles jumelles, après s’être débarrassé de leurs timides époux !
     
    Axel Métaz, que les souvenirs de son aventure vénitienne assaillaient souvent, nostalgie de l’errance paresseuse sur les canaux, de San Marco au soleil de midi, de la lagune au clair de lune, du punch à l’alkermès du café Florian et, surtout, des nuits voluptueuses passées dans les bras d’Adrienne, avait pris un plaisir mélancolique à préparer ce mode d’emploi de Venise. Tandis qu’il écrivait, chaque nom – de rio , de calle , de palais, d’église, de peintre – lui avait restitué les images d’un bonheur révolu.
     
    – Je vous envie, confia-t-il aux deux sœurs, au moment des adieux.
     
    Comme Nadine et Nadette l’embrassaient, chacune sur une joue, avec la même fougue qu’il leur connaissait depuis l’enfance, Axel, les prenant par la taille pour les pousser vers leurs maris, un peu jaloux d’une intimité fraternelle trop tendre à leurs yeux, émit un dernier vœu :
     
    » Je vous souhaite à tous d’être aussi heureux à Venise que je le fus !
     
    Cette nuit-là, après que sa mère se fut retirée dans la chambre décorée pour

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