Rive-Reine
Léman un bateau à vapeur qui irait de Genève à Vevey, à l’extrémité orientale du lac, et retournerait le même jour, après avoir relâché à divers endroits de la rive suisse. On doit ce projet à un Américain des États-Unis, avantageusement connu en France par des entreprises du même genre et qui y remplit une fonction publique. »
Lors des fêtes de fin d’année, qu’il passa à Lausanne avec sa mère et Blaise de Fontsalte, maintenant admis comme un membre de la famille par Flora, on évoqua ce projet de bateau qui occupait tous ceux qui avaient des intérêts dans la navigation lacustre.
Axel se souvint que, lors de son voyage en Angleterre, il avait traversé la Manche sur un bateau anglais mû par une machine à vapeur de trente-deux chevaux, le Rob Roy . Il s’était alors intéressé au fonctionnement et à la consommation des chaudières, imaginant le jour où ce mode de propulsion serait répandu. À son retour à Vevey, il avait rapporté à son père ses constatations. Celles-ci avaient renforcé la conviction de M. Métaz, qui imaginait, dès 1801, l’apparition de bateaux à vapeur sur le Léman. Après le remorquage par le Charlotte Dundas , bateau à vapeur, de deux gros vaisseaux dans le Forth and Clyde Canal, en Écosse, Guillaume, au contraire de Simon Blanchod et Martin Chantenoz, s’était enthousiasmé pour ce nouveau mode de propulsion des navires.
Blaise de Fontsalte se souvenait que, jeune officier du service des Affaires secrètes et des Reconnaissances, il avait dû suivre les expériences conduites par Robert Fulton, à la demande de Bonaparte, sur la Seine et à Cherbourg.
– Aucune ne convainquit les savants Monge et Laplace. Bonaparte refusa de s’engager dans la construction de bateaux sous-marins. C’est alors que Fulton proposa son invention aux Anglais, qui, à l’époque, n’en voulurent pas davantage, rapporta Blaise.
L’apparition possible, sur le Léman, de bateaux à vapeur rendait Axel soucieux. Premier transporteur, il disposait maintenant de quatre grandes barques, montées par de bons équipages, plus deux cochères. Qu’adviendrait-il s’il devait, un jour, faire face à la concurrence genevoise qui disposerait de bateaux à vapeur dont la marche ne dépendrait plus de la force et du caprice des vents ?
– Les temps ont changé et des progrès considérables ont dû être faits, puisque les vapeurs se multiplient. Et M. Laviron, mon banquier genevois, qui n’est pas un utopiste, pense que le projet de M. Church peut aboutir. S’il en est ainsi, nous devrons, nous aussi, envisager la construction de bateaux à vapeur pour ne pas laisser le bénéfice de la vitesse aux Genevois ! conclut Axel.
La veille du 1 er janvier 1822, Axel reçut, à Rive-Reine, une invitation en bonne et due forme de Blaise de Fontsalte à venir partager le repas du jour de l’An et à pendre la crémaillère dans la grande maison qu’il habiterait désormais à Montchoisi, quartier excentrique de Lausanne. Le général avait tenu secrète cette acquisition jusqu’à ce que la demeure fût achevée et entièrement aménagée.
– Maintenant que nos relations ont pris, grâce à vous, un caractère plus confiant, il devenait gênant pour moi de recevoir au moulin sur la Vuachère, c’est-à-dire chez votre mère, dit-il en accueillant Axel.
Construite au flanc de la colline qui domine la petite baie d’Ouchy, la maison de Blaise jouissait d’une vue exceptionnelle sur le lac et les montagnes de Savoie. De la galerie couverte du premier étage, que supportaient des colonnes, le regard portait des vignobles de la Côte 6 , à droite, à ceux de Lavaux, à gauche. La demeure comptait dix pièces, dont un vaste salon ouvert, comme la salle à manger, sur la galerie. Le mobilier, « tiré des greniers de Fontsalte », datait du règne de Louis XIII. Sur les murs du salon, de part et d’autre de la cheminée, figuraient les portraits, en pied, de Bertrand de Fontsalte et de son épouse, née Marie-Adélaïde des Atheux.
– Voici mes parents, dit simplement Blaise.
Et, comme Axel venait de remarquer l’œil vairon du marquis, habilement rendu par le peintre, le général ajouta :
– Mon père porte l’uniforme bleu de roi à parements d’argent de colonel de la cavalerie royale et les ordres de Saint-Louis et de Cincinnatus. Quant à ma mère, elle a posé, avec ses chiens et son fusil,
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