Rive-Reine
fille.
– Père a donc passé un accord avec le postillon de la diligence Allard. Si la rente à 3 pour cent a monté à Paris, nouvelle qu’apporte le courrier, le postillon attache un chiffon blanc au manche de son fouet et le lève bien haut au passage du col. D’ici, le jardinier, chargé de guetter, à la lunette, l’arrivée de la diligence, les jours où elle est attendue, voit ce signal. Il saute sur sa mule et descend vivement à la banque prévenir M. Laviron. Père s’empresse alors d’acheter de la rente au taux ancien pour la revendre, plus tard, au nouveau taux, que les autres banquiers genevois ne connaîtront qu’à l’arrivée de la diligence place du Molard ! N’est-ce pas un moyen très neuf de faire de l’arbitrage ? conclut ironiquement Anicet.
Comme s’il tenait à ne pas donner à l’indiscrétion malicieuse de son fils trop d’importance, Pierre-Antoine Laviron se rassit et but une gorgée de café.
– Voyez-vous à cela quelque chose de répréhensible, monsieur Métaz ?
– Pas du tout. Je trouve, au contraire, votre idée très ingénieuse. Seul le télégraphe, encore un progrès, quand il fonctionnera comme on nous l’annonce, rendra caduque votre méthode optique. Savoir avant les autres est toujours un avantage, dit Axel avec conviction.
– Naturellement, il faut être discret là-dessus, car, si tout le monde en faisait autant, nous perdrions cet avantage, monsieur Métaz, s’empressa d’ajouter le banquier.
– Rassurez-vous. Je me sens très honoré par la confiance que m’a montrée votre fils. Je sais garder un secret, répondit Axel tourné vers Juliane, de qui il sentait peser sur lui le regard attentif.
Un grand sourire de la jeune fille, un soupir de M me Laviron et un : « Je n’en attendais pas moins d’un garçon de votre qualité », lancé d’une voix forte par M. Laviron, récompensèrent Axel Métaz.
Quand le jeune homme eut pris congé de ses hôtes, pour rentrer en ville, Anicet dit à sa sœur :
– Tu as remarqué les yeux de ce garçon. L’un bleu, l’autre noisette. Quel regard étrange et difficile à soutenir !
– C’est ce qu’on appelle le regard vairon. J’ai lu quelque part qu’Alexandre le Grand avait les yeux ainsi, expliqua Juliane, soudain rêveuse.
1 Initialement Sainte-Alliance (Paris, 26 septembre 1815). Devenue la Quadruple-Alliance, par l’adhésion de la Grande-Bretagne, le 20 novembre de la même année. On continua cependant d’utiliser le terme de Sainte-Alliance.
2 François II (1768-1835), empereur germanique (1792-1806), devenu empereur héréditaire d’Autriche (François I er , 1804-1835), père de Marie-Louise.
3 Chateaubriand avait été nommé ministre des Affaires étrangères le 28 décembre, mais la nouvelle n’était pas encore parvenue à Lausanne.
4 Marie-Louise eut le temps de rentrer à Parme, où elle mit au monde une fille. L’enfant ne vécut que quelques jours et fut enterrée dans l’église Saint-Jean-l’Évangéliste.
5 De son vrai nom Jean-Baptiste Breton (1769-1822). Il s’était distingué à Austerlitz et avait publié, après la chute de Napoléon, un Précis de la bataille de Waterloo . Membre actif de la charbonnerie.
6 Sur leur tombe, au cimetière du Montparnasse, à Paris, le sculpteur David d’Angers réalisa un médaillon qui porte les profils des quatre sergents.
7 1792-1864. Il dut fuir la Moldavie en 1821, après avoir favorisé la révolte des hétairistes. Il resta quatre années prisonnier en Autriche. Sa femme et ses enfants se réfugièrent en Suisse.
8 1791-1865. Après la bataille de Missolonghi, dont il organisa la défense avec lord Byron, il se brouilla avec les autres dirigeants grecs, car il préconisait une alliance avec l’Angleterre, que certains refusaient. Il se retira en 1823, à Hydra, et ne reprit du service que pour participer à la défense de Navarin, en 1825. Rappelé aux affaires en 1832, d’abord comme ministre des Finances, puis comme chef du gouvernement, il fut le principal rédacteur de la Constitution grecque de 1844. En 1854, lors de la guerre de Crimée, il réussit à maintenir et à faire respecter la neutralité de la Grèce.
9 Une ordonnance royale, ayant pour but de réglementer d’une façon stricte la commercialisation des eaux minérales naturelles, fut en effet promulguée le 18 juin 1823.
10 Livre IV,
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