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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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n’entrerait en service que le 18 juin.
     
    – Je compte, madame et mademoiselle, que vous me rendrez un jour visite à Lausanne. J’aurai plaisir à vous montrer notre belle ville, proposa Charlotte, au moment de la séparation.
     
    – C’est cela, nous irons en bateau à vapeur, lança gaiement Juliane, ce qui fit sursauter sa mère.
     
    La jeune fille tendit gracieusement la main à Axel.
     
    – Ce n’est qu’un au revoir, dit-elle.
     
    Le ton parut au Vaudois plus affirmatif que protocolaire.
     
    Dans le courrier qu’il trouva sur sa table, quarante-huit heures plus tard, à Rive-Reine, figurait une lettre d’Amérique. Guillaume Métaz annonçait qu’il était père, depuis le 25 avril, d’une fille, qui avait reçu au baptême les prénoms de Johanna et Caroline.
     
    Quand, le dimanche suivant, Axel Métaz rapporta à sa mère, en présence de Flora, cette nouvelle, qu’il se retint de qualifier de familiale, Charlotte eut un petit rire nerveux.
     
    – Les protestants affirment que le peuplement de l’Amérique est une œuvre pie. Guillaume y participe avec foi. On ne peut que le féliciter de t’avoir ainsi donné une demi-sœur américaine, dit-elle à son fils.
     
    – Tu fais erreur, releva aussitôt Flora. Cette enfant n’a aucun lien de sang avec Axel. Elle ne lui est rien, vraiment rien. C’est une parfaite étrangère !
     
    – Rien, si ce n’est qu’elle s’appelle Métaz, que les Américains doivent prononcer Mitéze, répliqua Axel avec un rire amer.
     

    Au commencement du mois de juillet, trois semaines après l’entrée en service du Guillaume-Tell , Pierre-Antoine Laviron informa Axel Métaz qu’une société anonyme pour la construction d’un deuxième bateau à vapeur avait été créée, à Genève, par un groupe de financiers dont il faisait partie. La société, au capital de cent mille francs de France, réparti en cinquante actions de deux mille francs, se proposait de faire fabriquer, par le même entrepreneur, M. Mauriac père, de Bordeaux, un vapeur qui serait propulsé, comme le Guillaume-Tell , par des machines anglaises.
     
    « Nous constatons, cher ami, l’engouement du public pour le bateau de M. Church. On refuse des passagers à chaque course. L’affaire paraît donc des plus profitable et je ne saurais trop vous recommander de souscrire une action. Le bateau portera le nom du héros de la bataille de Sempach 20  : Winkelried . Il sera plus long de six mètres que le Guillaume-Tell et ses machines, de vingt chevaux, lui donneront une vitesse de quinze kilomètres à l’heure. L’ingénieur Dufour a accepté la surveillance des travaux, ce qui est une garantie de bonne fin pour les actionnaires », écrivait M. Laviron.
     
    Axel connaissait par ses bacounis le succès du vapeur de M. Church. Ce dernier envisageait de céder des parts du Guillaume-Tell à ses amis. Le jeune homme fit ses comptes, tira du sachet aux pierres précieuses, offert par Blaise, un petit diamant et prit la route de Genève.
     
    Le banquier reçut le jeune homme d’affaires avec empressement et lui fournit aussitôt une action du Winkelried . Les deux mille francs apportés par son client n’étaient pas le produit d’économies personnelles, comme Axel le lui dit, mais celui de la vente d’une pierre d’inavouable origine !
     
    Au soir de cette entrevue, qui fit d’Axel Métaz un apprenti capitaliste, au sens strict du terme, Pierre-Antoine Laviron convia le Vaudois à dîner, dans sa villa de Cologny. Comme la plupart des patriciens genevois, le banquier possédait, au flanc de la colline dominant la rive sud du lac, une maison d’été, qu’il habitait de juin à octobre. En arrivant, Axel rappela à son hôte qu’il avait pu, grâce à lui, en 1816, lorgner de sa terrasse le poète Byron, qui écrivait chaque matin sur le balcon de sa chambre, à la villa Diodati, voisine de celle des Laviron.
     
    Le visiteur ne fut pas sans remarquer, à l’abri sous un auvent, une puissante longue-vue, montée sur trépied. Celle-ci était braquée sur l’autre rive et Axel imagina que les Laviron s’amusaient à suivre les évolutions des voiliers, les jours de régates.
     
    M me  Laviron et sa fille Juliane accueillirent très chaleureusement le visiteur et, quand le fils, Anicet, rejoignit la famille, au moment de passer à table, Axel fut frappé par le sombre regard de ce long garçon brun, au visage émacié, tel un Christ du Greco.

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