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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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travailleurs aux mœurs honnêtes, sérieux dans le comportement, enjoués dans l’expression, étaient bien tels que les peignaient dans leurs ouvrages Rousseau, Gibbon, Byron et M me  de Staël, auteurs très prisés de la douairière. Axel Métaz, qui retrouvait chez cette aristocrate des façons de penser, de dire et de faire propres à sa défunte grand-tante, Mathilde Rudmeyer, plaisait à la vieille dame. Un après-midi, il la conduisit à Belle-Ombre dans son cabriolet, lui fit goûter le vin de sa vigne et croquer des bricelets cuits par Pernette.
     
    – L’âge d’or n’est pas révolu comme je le croyais. Il continue dans votre pays. Je me sens ici au plus près du bonheur, dit-elle.
     
    Ce soir-là, pour prouver sa satisfaction, la vieille dame offrit à son hôte un cachet à manche d’onyx aux armes des Fontsalte.
     
    – « D’azur à deux yeux, l’un d’or l’autre d’argent, chacun surmonté d’une étoile de sable et accompagné en pointe d’une eau jaillissante d’or », énonça-t-elle en lui remettant le sceau avant d’inviter ce petit-fils longtemps ignoré à venir en Forez, avec ou sans ses parents.
     

    Après l’aventure des Carpates, des semaines avaient été nécessaires à Axel pour retrouver la parfaite maîtrise de soi. Les images de Koriska le poursuivaient, s’immisçaient, obstinées et importunes, dans ses pensées, s’intercalaient entre les pages du livre qu’il lisait, troublaient parfois son sommeil. Il lui arrivait de se demander s’il avait vraiment vécu cette période, ou si, abusée, sa mémoire ne fabriquait pas de faux souvenirs d’après des faits rêvés.
     
    Il avait relu, avec une délectation morbide, le Moine , de Matthew Gregory Lewis, et le Château d’Otrante , d’Horace Walpole, comme pour se persuader que les nuits de Koriska relevaient de la même fiction que ces sombres romans gothiques.
     
    Depuis qu’il s’était, en esprit, délivré du péché d’inceste, une étrange incrédulité altérait ses souvenirs.
     
    Quand il s’était ouvert à Chantenoz de ce curieux doute, le professeur avait été formel : la génération spontanée de souvenirs sans fondement réel pouvait être un joli thème de réflexion philosophique, rien de plus !
     
    – Vaudois positif et pragmatique, sors-toi cette idée de l’esprit et accepte l’épisode de Koriska tel que tu l’as vécu. Tu te complais aujourd’hui à parer d’attributs fantastiques des souvenirs qui te paraissent irréels, uniquement parce qu’ils sortent du schéma de nos vies monotones, avait conclu Martin.
     
    Très occupé par ses affaires, Axel n’avait pas eu, plus de trois mois après son retour de voyage, une conversation sérieuse avec Blaise. Or celui-ci devait s’attendre à recevoir quelques confidences sur la façon de vivre de sa fille Adrienne. La veille de la réception à Beauregard, Axel proposa au général l’entretien longtemps différé. Blaise le conduisit dans son cabinet de travail, lui offrit un cigare et entendit sans sourciller l’évocation de l’étrange château de Koriska, de la coupable industrie qu’il abritait, du despotisme de la mère d’Adrienne régnant sur une population de serfs modernes, faux moines et grasses hétaïres. L’exploitation frauduleuse des reliques d’un saint absent de tous les calendriers fit sourire le général, mais, quand Axel lui montra le médaillon offert par Zélia, il trouva édifiant le symbole de la tête de mort mordant une rose. Fontsalte prit, le premier, l’initiative de parler d’Adrienne :
     
    – Ainsi, vous avez su apprivoiser cette sauvagesse ! Obtenu, semble-t-il, la confiance qu’elle n’a jamais accordée à son père.
     
    Un instant plus tôt, Axel était résolu à ne rien cacher à cet homme qui lui inspirait maintenant autant d’affection que de respect. Mais il se sentit soudain incapable d’avouer à ce père, plus sensible à l’indifférence de sa fille qu’il ne laissait paraître, les relations incestueuses que celle-ci entretenait avec son demi-frère. Pour dompter son émotion, Axel tira une bouffée de cigare avant d’enchaîner :
     
    – Je crois avoir, en effet, la confiance d’Adrienne. Dès notre première rencontre, à Venise, une certaine complicité d’esprit est née entre nous. Cela tient peut-être à nos regards vairons, à ces regards identiques que vous nous avez transmis, à tous deux, dit Axel.
     
    – Peut-être avait-elle

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