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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Chantenoz, Axel et quelques invités lausannois, élus, juristes ou financiers, réunis au fumoir, leur mauvaise humeur contre le gouvernement français et contre les Anglais.
     
    Au premier, ils reprochaient d’avoir attribué six cent vingt-cinq millions aux anciens émigrés dépossédés de leurs biens par la Révolution. La Charte ayant enregistré comme définitive la dévolution à l’État des biens nationaux, Villèle, président du Conseil, avait fait voter par les chambres, un an plus tôt, le 28 avril 1825, une loi qui venait de prendre effet. Ce texte attribuait aux royalistes spoliés une indemnité égale au revenu de leurs biens en 1790, multiplié par vingt ! En exagérant le coût de ce dédommagement, les bonapartistes parlaient du « milliard des émigrés ».
     
    Pour Fontsalte et Ribeyre, qui avaient été sous le feu de l’armée des Princes, alors qu’ils se battaient dans les troupes révolutionnaires, ce cadeau était immoral, du point de vue patriotique. Rien ne pouvait, à leurs yeux, justifier qu’un noble se déshonorât en prenant les armes contre ses compatriotes qui, las des abus de la monarchie absolue, avaient choisi de changer de régime politique. Bonaparte, pour des raisons politiques, avait absous les émigrés, mais la clémence impériale n’ouvrait pas droit à prime royale !
     
    – Les députés, dont un bon nombre figurent parmi les bénéficiaires du milliard, ont voté sans hésiter et c’est, bizarrement, la Chambre des pairs qui a refusé l’indemnité, avec trente-quatre voix de majorité, précisa Ribeyre.
     
    – Cette honnête opposition a d’ailleurs coûté à M. de Chateaubriand son portefeuille de ministre des Affaires étrangères, observa Fontsalte.
     
    Le fait que la somme faramineuse fût versée sous la forme d’une indemnité de rente de trente millions à 3 pour cent mécontentait pour de moins nobles motifs les épargnants bourgeois. Le gouvernement français, pour financer cette expiation budgétaire, venait de ramener l’intérêt des rentes de 5 à 4 pour cent !
     
    – Un tel procédé enlève toute confiance à mes clients, jusque-là amateurs de rente française, maugréa un banquier.
     
    – Et ce n’est pas tout. Savez-vous que Charles X, sacré l’an dernier à Reims, a épousé les rancœurs de Louis XVIII ? Villèle a fait voter une autre loi, qui punit de la peine applicable aux parricides les voleurs de croix et de ciboires ! Il est même question de rétablir le droit d’aînesse et de rendre aux curés la tenue de l’état civil ! Pourquoi ne pas revenir à Clovis, pendant qu’on y est ! s’insurgea Ribeyre.
     
    Quant à la colère des deux généraux contre les Anglais, ennemis de toujours, elle tenait au fait que, le 11 novembre précédent, à Paris, Emmanuel Pons Dieudonné de Las Cases, fils du secrétaire de Napoléon à Sainte-Hélène, l’auteur du Mémorial qui connaissait un grand succès, avait été grièvement blessé, de deux coups de poignard, par des inconnus. Les journaux avaient fait état de deux Italiens restés introuvables. Or, en 1821, à Londres, peu de temps après la mort de l’empereur, le fils Las Cases avait provoqué en duel Hudson Lowe, le haineux geôlier de Napoléon. Publiquement cinglé d’un coup de cravache en plein visage, l’ancien gouverneur de Sainte-Hélène avait néanmoins refusé de se battre.
     
    – J’ai appris, par des anciens des Affaires secrètes, passés au service du régime actuel, mais fidèles à leurs idées d’autrefois, que le courageux Hudson Lowe était à Paris depuis plusieurs jours quand l’attentat fut perpétré et qu’il avait quitté la France au lendemain de l’affaire ! Nous savons maintenant qui a armé les agresseurs du fils Las Cases, rugit Ribeyre.
     
    Un murmure de réprobation parcourut le cercle des fumeurs et Chantenoz fit observer, avec humour, qu’on ne devait rien attendre de bon d’un peuple dont les souverains font trancher le cou de leur femme quand leur vient l’envie d’en épouser une autre !
     

    En retrouvant son Léman, Rive-Reine, Belle-Ombre, ses vignes et ses barques, Axel Métaz s’était persuadé aisément qu’il ne pourrait jamais vivre ailleurs qu’à Vevey. S’il lui restait encore une chance de remplir intelligemment ses jours, c’est là qu’il la courrait. La nature consolatrice offrait, en ce printemps, tous ses charmes colorés et Axel éprouvait, dans ce décor trop

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