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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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apparenté à la famille royale. Et Mademoiselle n’en a pas voulu ! Et ce n’est pas le premier beau parti qu’elle refuse, mon ami. Elle a déjà été demandée cinq fois par des Genevois qui appartiennent aux meilleures familles de la haute ville, fils de gros négociants, de magistrats ou de conseillers d’État…
     
    – Maman, je vous en prie, vous n’allez pas dresser la liste de tous ceux qui veulent, à Genève, épouser la fille d’un banquier. Cela n’intéresse pas M. Métaz, trancha Juliane.
     
    – Je conçois, Juliane, que vous ayez de nombreux soupirants. Puisque votre mère est présente, mon propos ne prêtera pas à équivoque. Permettez-moi de vous dire que vous êtes souverainement séduisante. Je conçois parfaitement qu’un homme en quête d’épouse tente sa chance auprès de vous, dit Axel avec un sourire.
     
    Juliane rosit de plaisir et se tut.
     
    – Souverainement séduisante, tu vois ! C’est bien dit, Liane. Tu peux croire M. Métaz, il n’a aucun intérêt à te flatter. Ce n’est pas un prétendant, lui ! dit avec feu M me  Laviron.
     
    Ignorant l’intervention de sa mère, qui avait fait sourire Axel, Juliane se tourna vers le jeune homme.
     
    – Concevez aussi, Axel, que je puisse avoir mon idée sur le mari qui me convient. Or aucun des messieurs, jeunes ou vieux, qui se sont présentés ne m’agrée… même s’ils plaisent tous à maman. Et puis je ne suis pas pressée de me marier.
     
    – Liane a passé vingt ans, cher Axel. À son âge, j’étais mariée depuis trois ans et j’attendais son frère, crut bon de préciser M me  Laviron, quand Axel prit congé des femmes pour rejoindre le banquier.
     
    Axel considérait M lle  Laviron comme un archétype de ces jeunes filles instruites et éduquées, pur produit de l’élite protestante éclairée, que la société genevoise exportait avec fierté. Au contraire des aristocrates, qui faisaient souvent de leurs filles ce que M. Laviron nommait « des poupées de porcelaine habillées de soie qu’on pose sur les étagères », le banquier avait voulu que Juliane reçût une instruction complète, car, disait-il, « l’instruction développe les pouvoirs naturels de la femme ». Et ces pouvoirs, il les admettait tout en les contenant dans des limites raisonnables. Lui qui n’avait eu qu’à se louer de la discrète influence de son épouse, jusque dans ses affaires, reconnaissait aux femmes une puissance d’intuition supérieure à celle des hommes, un sens de l’organisation meilleur, une faculté de jugement originale et subtile. L’action devait rester privilège et responsabilité de l’homme, mais l’épouse devait être, en tous domaines, une partenaire digne de confiance. Il se disait parfois qu’Anaïs, plus instruite, eût été encore plus sage conseillère. Aussi avait-il voulu que sa fille Juliane fût, d’une façon générale, instruite comme un garçon et sût user de ses connaissances dans la vie courante. Depuis qu’Anicet avait déçu toutes ses espérances en se fixant à Paris, pour mener une vie d’artiste, le banquier se consolait en pensant que sa fille, instruite et sûre d’elle-même, valait un véritable fils.
     
    Ceux des Genevois de la haute ville qui tenaient leur femme à l’écart de tout souci professionnel, pour ne pas nuire à leur tranquillité, disaient-ils, et entendaient que l’épouse restât, comme autrefois, l’ombre ou, à la rigueur, le reflet du mari, ceux qui, à peine plus évolués, traitaient leur compagne comme présentoir à bijoux, manière de révéler leur fortune et leur puissance, étaient chez les Laviron objet de fréquentes moqueries.
     
    Pour M. Laviron, le seul domaine où la femme ne devait pas « mettre son joli nez » était celui de la religion. La théologie restait une affaire d’homme et la Compagnie des pasteurs se méfiait de celles qui s’avisaient d’étudier et d’interpréter les textes. On avait assez d’exemples, à Genève, de l’excitation mystique désordonnée qu’avaient provoquée les prêcheurs du Réveil chez des jeunes filles et des épouses qui, parfois, rejetaient l’autorité, même douce, d’un mari.
     
    Juliane avait reconnu, devant Axel, la chance que représentait le fait d’avoir de tels parents, qui lui avaient fourni tous les moyens de satisfaire ses curiosités intellectuelles, n’avaient jamais mis un livre sous clé et, sans vaine pudibonderie, avaient su,

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