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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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genevois pût vivre en dehors de la banque, mais il ne croyait pas, au vu des premières œuvres d’Anicet, à la vocation artistique de son fils.
     
    – Voyez-vous, Axel, l’art véritable exige non seulement un tempérament doué, une sorte de talent inné, mais aussi une âme pure. L’artiste qui n’a pas l’âme pure ne produira que des œuvres médiocres, dépourvues du souffle et de la grandeur qui font qu’un tableau, ou une poésie, passe les siècles en plaisant toujours. Car l’âme pure de l’artiste est la participation de Dieu à toute œuvre d’art, glissa-t-il en aparté à Axel, quand les deux hommes se rendirent au fumoir.
     
    Au cours de son séjour en Angleterre, M. Laviron avait eu le privilège d’être présenté par Baker, qui croyait à l’avenir du chemin de fer, à l’ingénieur George Stephenson. Il avait vu l’ Active , machine à vapeur conçue par le génial mécanicien, rouler sur ses rails d’acier, posés entre Stockton et Darlington, au cœur du pays minier, et remorquer des bennes pleines de charbon.
     
    – On m’a affirmé que, le 25 septembre, des gens courageux ont pris place dans ces mêmes bennes, munies de bancs, et que la machine de M. Stephenson les a pareillement tirés sur plusieurs lieues ! N’est-ce pas merveilleux ! Je me suis laissé dire qu’on commence à poser des rails entre Liverpool et Manchester pour faire aller ces convois, conclut le banquier, déjà décidé à investir dans une invention qui, d’après lui, devait révolutionner le transport des personnes et, surtout, des marchandises.
     
    – Mais nous parlerons de tout cela à mon bureau, où vous me rejoindrez quand vous aurez satisfait toutes les curiosités de ces dames, à qui je vous confie, dit un peu plus tard le banquier, pressé d’aller à ses affaires.
     

     
    Pendant que M. Laviron découvrait le chemin de fer, son épouse et sa fille avaient visité Londres, couru les magasins de luxe, s’étaient promenées dans les parcs. Anicet, lui, avait passé son temps dans les musées, y entraînant parfois sa sœur, autorisée à ces escapades par M me  Laviron. La femme du banquier avait en effet entendu une éducatrice genevoise réputée, M me  Necker de Saussure, fille du naturaliste Benedict de Saussure et cousine de M me  de Staël, dire que les jeunes filles devaient cultiver les beaux-arts !
     
    Mais c’est l’opéra qui avait le plus enthousiasmé Juliane Laviron. Elle avait conçu, à Londres, la même admiration pour le ténor espagnol Manuel García 7 que son père pour M. Stephenson !
     
    – Nous l’avons vu et entendu dans le Barbier de Séville , juste avant que cet Andalou, qui chante si bien l’opéra italien, ne s’embarque pour l’Amérique avec sa famille. Car ses enfants chantent avec lui. Dans l’opéra de Rossini, il joue Almaviva, sa fille, María Felicia 8 , tient le rôle de Rosine et son fils, Manuel, celui de Figaro. Manuel García a une autre fille, plus jeune, de quatre ans je crois, qui s’appelle Pauline 9 et qu’il admoneste aux larmes, dit-on, quand elle fait une fausse note. Car ce grand artiste, que le Théâtre-Italien de Paris a payé, une année, vingt mille francs, est d’un caractère difficile et intraitable dès que son art est en cause. Quand il viendra chanter à Genève, je vous demanderai de me conduire au théâtre pour l’entendre, dit la jeune fille.
     
    Axel s’engagea sur-le-champ à satisfaire ce souhait.
     
    – Mais, mon enfant, tu ne dis pas à notre ami ce qui t’est arrivé à Londres. C’est pourtant très flatteur, intervint M me  Laviron.
     
    Juliane esquissa un mouvement d’impatience.
     
    – C’est vraiment sans importance et ne peut intéresser personne, maman.
     
    – Dites toujours, fit Axel, plus par courtoisie que par curiosité.
     
    – Eh bien, à Londres, un Anglais, ami de l’associé de mon père, avec qui nous avions échangé trois phrases au foyer de Covent Garden, est venu, le lendemain, demander ma main. Vous parlez d’une affaire ! dit Juliane, agacée.
     
    – Mais tu ne dis pas tout, Liane ! Cet Anglais n’est pas n’importe qui…
     
    – C’est un lord, un vieux lord, d’au moins quarante ans ! Lord Basington, élégant, riche, paresseux et chasseur de renards, comme tous les lords que nous avons rencontrés, révéla avec réticence la jeune fille.
     
    – C’est aussi le neveu d’un duc dont j’ai oublié le nom, mais qui est

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