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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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par crainte d’un nouveau malaise sur le Winkelried qui devait reconduire la famille à Genève, ne put satisfaire sa gourmandise, ce qui la rendit mélancolique. M. Laviron s’absorba dans des considérations économiques internationales avec Blaise et Claude, sans doute pour oublier les frasques d’Anicet. Quant à Juliane, elle se montra distraite, parfois maussade, admira les barques aux voiles en ciseaux qui, ayant escorté le Léman dans sa croisière, regagnaient leur mouillage. Quand Axel proposa à la jeune fille de la conduire, à travers les vignes, jusqu’à sa maison de Belle-Ombre, elle refusa, prétextant l’insupportable ardeur du soleil.
     
    Quand, au milieu de l’après-midi, vint pour les Laviron le moment de regagner Ouchy afin d’embarquer sur le Winkelried à destination de Genève, Charlotte et son mari, Ribeyre et Flora prirent, avec les invités, le chemin de Lausanne. Axel félicita Pernette qui s’était surpassée devant ses fourneaux puis, sellant Ténèbre, monta seul à Belle-Ombre. Jusqu’à l’heure mauve du crépuscule, il demeura sous la charmille. En contrebas du vignoble, alors que s’évanouissait le jour, il vit le lac, « son » lac, virer lentement du bleu azur au bleu cobalt et les montagnes de Savoie perdre leur volume jusqu’à ressembler, en deux dimensions, noires sur fond de ciel orangé, à ces silhouettes que découpaient dans le papier les disciples de Jean Huber, maître genevois des « tableaux en découpures ».
     
    La pensée du jeune homme allait, comme souvent, à Adrienne, l’éternelle absente. Mais, ce soir-là, l’image d’une autre femme s’interposa entre le voluptueux souvenir de la Tsigane et ses pensées du moment. Pour la première fois depuis qu’il la connaissait, Axel avait regardé Juliane comme une femme désirable. Beauté classique et délicate, d’une gracieuse distinction, instruite et d’un naturel enjoué, à vingt ans, elle guettait l’amour. Depuis leurs retrouvailles, Axel devinait qu’elle espérait sans doute, désirait peut-être, attendait sûrement, qu’il lui offrît le sien. Leurs esprits s’accordaient, des goûts semblables les conduisaient le plus souvent à une appréciation identique des événements. Ensemble ils étaient à l’aise et, comme leur relation n’avait rien d’équivoque, ils n’avaient ni l’un ni l’autre à chasser ce naturel qui, d’après Destouches, revient au galop !
     
    « Décrassée des préjugés de la ville haute, allégée de ses manières cagotes et délicatement initiée aux plaisirs du lit, cette Juliane ferait une superbe maîtresse », avait dit Chantenoz après une soirée en tiers avec les jeunes gens. Axel avait imposé silence à son mentor, par respect pour l’absente, tout en convenant que M lle  Laviron ne manquait pas d’attraits physiques. Mais, avec Juliane, la seule aventure possible était le mariage. À cela, le fils de Blaise et de Charlotte n’était pas préparé. Il ne s’imaginait pas, surgissant au milieu de ces prétendants très acceptables que M lle  Laviron refusait depuis des mois. Ces messieurs eussent cependant fait de bons maris à la mode genevoise, qui supposait équivalence de rang social et de fortune, après, et même parfois avant, accord des cœurs.
     
    En vidant le fourneau de sa pipe éteinte, avant de se mettre en selle pour descendre à Rive-Reine, Axel décida d’espacer ses visites aux Laviron. Il eût été peu charitable de continuer à entretenir les illusions de Juliane, dont il avait compris aujourd’hui qu’elle escomptait plus que son amitié, et de la détourner, inconsciemment, d’un beau et solide mariage genevois. Il ne la reverrait pas de longtemps.
     

    Depuis le 10 mai, Charlotte trouvait, chaque jour, un prétexte, qui ne trompait personne, pour aller de Beauregard à son hôtel de la rue de Bourg. C’est que M. de Chateaubriand logeait, avec son épouse, au numéro 10, chez Laure de Cottens, qui avait sous-loué au couple le deuxième étage de la maison qu’elle habitait. Or le petit hôtel de M. de Sivry, présentement occupé par cette femme, était voisin de la demeure héritée par Charlotte de sa tante Mathilde. Grande admiratrice de l’auteur d’Atala et du Génie du christianisme , M me  de Fontsalte avait obtenu de Rosalie de Constant, autre voisine et cousine du grand homme, botaniste distinguée, auteur d’un Herbier des plantes suisses , la promesse d’être, un

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