Sachso
risquait sans doute d’attraper le choléra ! » L’ouvrier métallurgiste parisien Roger Guérin et ses camarades se concertent avec les responsables des autres groupes, dont une centaine de Français qui rallient la caserne en compagnie de l’amiral Jozan et d’un directeur de Rhône-Poulenc qui s’appelle aussi Guérin. Des dispositions sont prises pour remettre en fonctionnement la cuisine centrale. René Gorguet, avec un laissez-passer du docteur Ségelle et une jeep américaine, participe au ravitaillement des fourneaux autour desquels officie André Graillet. Des démarches sont engagées en vue du rapatriement. Le jeudi 10 mai, l’amiral Jozan part pour Haguenow qui doit être la première étape mais, du côté américain, les ordres et contre-ordres se succèdent. Le départ du premier contingent de Schwerin est remis. Il n’a lieu que le 17 mai et à la seconde étape de Lunebourg, le 19 mai, le convoi est encore scindé.
EMBARQUEMENTS ET ENVOLS À LUNEBOURG
Louis Péarron est dans la première colonne de Français qui gagne la gare de Schwerin : « Nous embarquons en train pour le camp d’Haguenow, où il y a un terrain d’aviation sous contrôle américain.
« Ici encore, un cantonnement, une organisation dont il faut s’occuper. Avec la bonne volonté de tous, ça s’arrange bien. Jusqu’alors nous n’avons vécu que de colis de conserves. Quelques débrouillards vont faire la queue à une boulangerie civile pour obtenir du pain noir… qui manque. Les Américains ont du pain blanc mais il est strictement réservé à leurs troupes…
« À Haguenow, je retrouve un camarade de mon réseau de France “l’Armée des volontaires”, un nommé Philibert. Je ne l’avais pas revu depuis notre arrivée à Sachsenhausen en janvier 1943, car il avait été affecté au kommando Heinkel. Il était acheteur aux avions Voisin à Villacoublay et je le connaissais d’avant guerre. Et voici Philibert qui me dit : “Je viens de voir Roumi” et qui m’explique la trahison de ce dernier chez Heinkel où il a redessiné pour les Allemands un train d’atterrissage français qu’ils ignoraient.
« Par mon expérience de Schwerin, je sais ce qu’il advient quand on remet ce genre d’individu aux autorités américaines. Il faut donc attendre d’être en France pour agir. Néanmoins, sur les indications de Philibert, je vais à l’infirmerie sous le prétexte de voir mon camarade l’amiral Crosnier qui, malade, ne peut plus me seconder. Discrètement je fais une petite enquête. Les infirmiers ne connaissent pas de Roumi. Je demande qui travaille dans tel bureau, à l’étage. On me répond : “Le lieutenant X.…” Je tais ce nom volontairement car, ô stupeur, je sais que ce lieutenant a été tué au cours du bombardement de Heinkel. Roumi a pris son nom pour se camoufler et maintenant, avec une machine à écrire à grand clavier, il s’occupe en soignant la mise en scène… du rapatriement des déportés. Un intermède qui ne le sauvera pas du châtiment suprême qu’un tribunal français lui infligera plus tard…
« Pour l’heure, les cuisiniers américains nous servent quelques soupes chaudes de légumes qui font grand plaisir à tous. Puis les sanitaires procèdent à la désinfection, car beaucoup des hommes présents au camp, déportés et P. G., ont des poux.
« L’opération s’effectue dehors avec une poudre pulvérisée aux endroits où ces bestioles se plaisent. Elle se déroule normalement quand soudain un déporté désigne du doigt un désinfecté et s’étrangle : “Mais c’est un S. S. !” Nous nous emparons du suspect, l’enfermons dans un bureau. Effectivement, c’est un S. S. Aussitôt, avec des caisses et des planches, une estrade est confectionnée et tout le monde doit y monter pour être désinfecté. Des déportés veillent autour, de façon à mieux voir le dessous du bras gauche où tous les S. S. portent le tatouage de leur groupe sanguin, signe particulier que nous connaissons.
« Nous découvrons ainsi plus de quarante S. S. qui, pour se sauver, se sont mêlés à nos groupes de déportés et de prisonniers de guerre. Ce qui est facile puisque dans ces groupes toutes les nationalités sont représentées et que nul n’a de papiers d’identité.
« Le jour du départ vient enfin. Des camions nous mènent jusqu’à Lunebourg, à un autre camp près d’un terrain d’aviation. À une quinzaine, nous nous occupons de
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