Sachso

RÉSISTANCE ET FRATERNITÉ
    Sachso, un des livres qui fait le plus honneur à Terre Humaine ; c’est un témoignage de résistance à la dictature nazie, une des pires perversions de la pensée humaine. Hitler et Himmler ont inventé une méthode scientifique visant à l’annihilation de tout ce qui leur était opposé : les prétendus « sous-peuples » (Juifs, Tsiganes, Russes), les résistants nationaux. Ainsi a été organisée systématiquement la soumission de nations entières, dont était assassinée l’intelligentsia pour mieux les réduire au rang de peuples esclaves. La Pologne en est le douloureux exemple.
    La perversion des SS – Totenkopf verbande (la section « tête de mort ») – était telle qu’ils cherchaient à avilir leur victime. Les camps étaient placés sous la direction de « droits communs » dont le prix pour leur liberté consistait à exercer une supplémentaire et ultime cruauté sur des hommes à la dernière extrémité ; mis à genoux, battu, le déporté était contraint de pratiquer sur lui-même les gestes les plus dégradants avant que les « valets » des tortionnaires ne l’achèvent de leurs propres mains.
     
    S’il convient, aujourd’hui, d’armer les esprits contre toute action conduisant à la violence, il est essentiel que les jeunes sachent – c’est une des raisons de la publication de ce livre dans une collection d’aussi grande diffusion que Terre Humaine / Poche – que la liberté se défend le fusil à la main. Les Français ne doivent jamais ignorer que leur vie d’hommes et de femmes libres est dû à ces admirables combattants de l’ombre qui n’ont pas hésité à s’engager, corps et âme, lors des années 1940-1945, dans ce combat pour la vérité.
    Dans une fulgurance et une prescience, ces très jeunes Français ont décidé de concourir à abattre, par tous les moyens, cet odieux régime d’occupation allemand rendu plus odieux encore par la savante machine policière de la Gestapo. Ces résistants savaient qu’ils encouraient l’humiliation, la torture, la mort lente. Qu’ils fussent gaullistes, communistes, chrétiens ou juifs et tziganes ou athées, ils étaient solidaires dans leur implacable combat. Honneur à eux !
    Sachso  ; ce diminutif gouailleur du sinistre camp de Oranienburg-Sachsenhausen, est un appel solennel pour que cette horreur soit interdite à jamais. Ces portes de l’enfer s’ouvraient symboliquement à Berlin ; près d’une grande brasserie a été édifié à partir de 1935 un immense camp de dix-huit hectares ; deux cent mille hommes y ont été internés de 1936 à 1945, cent mille y sont morts exterminés d’une manière ou d’une autre. Hitler et son parti ont réussi cette prouesse monstrueuse, d’avilir l’âme romantique allemande, de pervertir ce grand peuple dans sa dignité par une terreur contagieuse, condamnant ainsi l’une des plus grandes nations de l’histoire à se rendre complice de ces abominables bourreaux. La peste nazie a ravagé l’Allemagne pendant plus de dix ans et l’a marquée du sceau d’une tâche indélébile pour des siècles. Autre trait que la lecture de Sachso nous fait comprendre : l’indignité dans le nazisme tient à ce mélange d’honorabilité (patriotisme, discipline militaire, respect du détenu par une fallacieuse organisation de services culturels et sanitaires dans le camp) et de cynisme, dans une annihilation progressive du vaincu. Cette pensée barbare est orchestrée par une logomachie vaniteuse : Deutschland über alles (« l’Allemagne par-dessus tout »). « Le Reich de mille ans » : l’avons-nous assez entendu dans nos rues et à la radio !
    Dois-je rappeler que Sachso est le seul livre collectif qui ait jamais été écrit sur ce camp de concentration de quelques milliers de détenus en 1936 et de 40 000 en 1944, et qui a été le deuxième camp national après Dachau et les camps des Marais. C’est à Oranienburg-Sachsenhausen qu’était installé l’état major d’Himmler et que la direction SS préparait ses expériences sur les hommes, tissant sa toile d’araignée sur toute l’Europe. Sachso représente la mémoire des huit mille résistants français internés dont seulement un sur deux a pu réchapper à cette terrible épreuve. Ce livre collectif, qu’ils s’étaient juré d’écrire, est la somme de trois cents témoignages écrits sans haine par les déportés eux-mêmes et qui ont été