Sang Royal
« J’avoue que je suis extrêmement curieux de rencontrer le roi. Il quitte Hull demain, me semble-t-il. Le cortège est resté beaucoup plus longtemps que prévu à Pontefract, puis s’est rendu à Hull avant de venir à York. Et apparemment le roi retournera à Hull après son séjour ici. Il veut réorganiser les fortifications de cette ville. » Et c’est là, pensai-je, que nous embarquons le prisonnier dans un bateau.
« Quand cela aura-t-il lieu ? demandai-je.
— Au début de la semaine prochaine, à mon avis. Le roi ne va rester ici que quelques jours. » Il planta à nouveau sur moi son regard perçant. « Peut-être avez-vous déjà vu le roi, étant donné que vous êtes londonien ?
— Je l’ai aperçu dans la procession du couronnement de Nan Boleyn. Mais seulement de loin, soupirai-je. Ma foi, si nous devons assister à la cérémonie, je me félicite d’avoir apporté ma plus belle robe et mon bonnet neuf. »
Il opina du chef. « Certes. » Il se leva avec une lenteur qui révélait son âge. « Bon, monsieur, vous devez être fatigué après votre long voyage… Vous devriez rejoindre votre logement et prendre du repos.
— C’est vrai. Nous sommes rompus.
— Au fait, vous allez entendre beaucoup de mots étranges par ici. Peut-être vous sera-t-il utile de savoir que gate – qui ailleurs veut dire “porte” – signifie ici “rue”, et que bar indique une porte de la ville. »
Barak se gratta la tête. « Je vois… »
Wrenne sourit. « Je vais demander qu’on aille chercher vos chevaux. »
Nous prîmes congé du vieil homme et chevauchâmes jusqu’à la porte de l’enceinte de la cathédrale.
« Eh bien, dis-je à Barak, messire Wrenne semble être un brave homme.
— Oui. Il a le sens de l’humour, pour un avocat… Bien, où est-ce qu’on va maintenant ?
— On ne peut plus repousser l’échéance, soupirai-je. On doit se rendre à la prison. »
3.
UNE FOIS FRANCHIE LA PORTE DE L’ENCEINTE DE LA CATHÉDRALE, nous fîmes halte, hésitant sur le chemin à prendre pour gagner le château. J’interpellai un gamin aux cheveux filasse et lui offris un liard pour nous indiquer la route. Il leva vers nous un regard suspicieux.
« Montrez-moi d’abord vot’liard, m’sieu !
— Le voici ! fis-je en brandissant la pièce. Bon, maintenant, où se trouve le château, petit ? »
Il indiqua la direction d’un geste. « Passez par l’marché à la viande. Vous l’trouverez grâce à l’odeur. Traversez la place après et alors vous verrez la tour du château. »
Je lui donnai le liard. Il attendit qu’on se soit un peu éloignés puis lança : « Sales hérétiques de Sudistes ! » avant de disparaître dans une venelle. Quelques passants sourirent.
« On n’est pas très aimés, hein ? dit Barak.
— En effet. Je pense qu’ils croient tous les habitants du Sud partisans de la nouvelle religion.
— Ici, ce sont donc tous des papistes impénitents ?
— Oui. Ils n’apprécient pas cette nouvelle félicité évangélique », répondis-je d’un ton narquois. Barak haussa les sourcils. Il ne confiait jamais ses opinions en matière de religion, mais je le soupçonnais depuis longtemps de penser comme moi que ni les évangélistes ni les papistes n’étaient vraiment dignes d’estime. Je savais qu’il regrettait toujours Thomas Cromwell, mais sa fidélité à son ancien maître était plus personnelle que religieuse.
Nous traversâmes la foule avec moult précautions. Les vêtements de Barak, comme les miens, étaient couverts de poussière, et, après notre chevauchée de plusieurs jours, son rude et beau visage était hâlé sous son bonnet plat noir.
« Le vieux Wrenne était curieux de savoir si la reine était enceinte, dit-il.
— Comme tout le monde. Le roi n’a qu’un fils, la dynastie ne tient qu’à un fil puisqu’elle dépend de la vie d’un seul héritier.
— Un de mes anciens compagnons à la Cour m’a dit que le roi a failli mourir au printemps, à cause d’un ulcère à la jambe. On devait le pousser dans tout le palais de Whitehall dans un petit fauteuil roulant. »
Je le fixai avec intérêt. Il récoltait de piquantes anecdotes auprès de ses anciens camarades espions ou intermédiaires au service du roi.
« Un certain prince Howard renforcerait la faction papiste à la Cour. Elle a à sa tête le duc de Norfolk, l’oncle de la reine. »
Barak secoua la tête. « On dit que
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