Sang Royal
accusations ne reviennent aux oreilles de sir William.
— Je crains qu’elle n’en ait cure. L’emprisonnement de messire Locke est la seule chose qui compte pour elle.
— N’est-ce pas compréhensible ? demanda Tamasin. Puisque l’homme qu’elle aime depuis toujours se trouve à la Tour. Certaines des suivantes font des remarques cruelles, et les remarques cruelles peuvent blesser…
— À qui le dites-vous !
— Et pourtant elle n’a jamais cédé à la colère, a toujours réussi à se maîtriser. Elle m’a parfois inspiré une telle pitié que j’en avais les larmes aux yeux.
— Elle m’a affirmé que c’était leur destin de se marier, elle et messire Locke. Je ne suis pas certain qu’une telle obsession soit saine. »
Elle sourit, mais son sourire avait quelque chose d’acéré. « J’admire sa détermination. » un silence gêné régna quelques instants. Puis Barak se pencha en avant. « Il faut que nous te disions quelque chose, Tammy. Messire Shardlake a été à nouveau attaqué hier soir.
— Quoi ? » Elle se tourna vers moi et je remarquai ses traits tirés et les cernes sous ses yeux. Barak lui raconta l’histoire de l’ours. Quand il eut terminé son récit, elle laissa échapper un long gémissement d’effroi.
« Par conséquent, si les soldats n’étaient pas arrivés, vous risquiez la mort ?
— Oui, répondit Barak à ma place. S’ils ne s’étaient pas trouvés à deux pas pour garder le prisonnier.
— Broderick ? »
Je lui lançai un regard perçant. « Qui vous a parlé de Broderick ? Sa présence en ces lieux est un secret… C’est toi qui l’as mise au courant ? demandai-je à Barak. Moins elle en sait, plus elle est en sécurité. »
Il eut l’air gêné. « C’est vrai. Mais bon nombre de gens sont dans la confidence.
— Nous devons faire attention à chacun de nos propos. »
Tamasin posa sur moi un regard étonnamment dur. « Je fais toujours attention, monsieur. La vie m’a appris à être prudente.
— Tammy affirme que lady Rochford la surveille étroitement, ajouta Barak.
— C’est le moins qu’on puisse dire ! » Comme elle se servait de potage dans la soupière, je vis sa main trembler, témoignant à nouveau à quel point elle était sous pression depuis la rencontre avec Culpeper. D’habitude elle savait parfaitement se maîtriser, mais ce soir-là son angoisse transparaissait.
Une journée passa, puis une autre, mais on n’annonçait toujours pas l’arrivée du roi d’Écosse. Les gardes ne quittaient pas leur poste devant les pavillons et les tentes, dont les pans étaient nettoyés chaque jour à l’aide de fines brosses. Un jour où Barak et moi marchions dans la cour, j’aperçus sir Richard Rich, qui, debout dans l’encadrement de la porte d’un des pavillons, m’observait d’un œil froid. Nous changeâmes de direction.
« Y a-t-il du nouveau à propos du dossier Bealknap ? demanda Barak.
— Non. J’ai écrit à Londres pour dire au Conseil que nous devions poursuivre notre action, étant donné les bons espoirs que je nourris en ce qui concerne l’issue du procès. Je doute que la lettre soit parvenue à destination, Rich ayant sûrement donné l’ordre qu’on intercepte les courriers que j’expédie avant que le messager les emporte.
— Alors pourquoi l’avoir écrite ?
— Afin que Rich se rende compte que ma détermination ne fléchit pas. »
Barak haussa les sourcils mais n’en dit pas plus. Jetant discrètement un coup d’œil en arrière, je constatai que Rich ne se trouvait plus devant le pavillon.
Le temps resta beau mais se rafraîchit. Les feuilles continuèrent à tomber dans la cour et on les brûla en gros tas qui dégageaient beaucoup de fumée. Le lendemain, je rendis une nouvelle visite à Giles. S’il était remis de son malaise, je notai cependant que ses joues jadis pleines s’étaient un peu plus creusées. Je dînai seul avec lui et il me parla des dossiers qu’il avait traités à York au cours des cinquante dernières années. Il s’agissait des récits habituels des avocats, certains amusants, d’autres tragiques. Toutefois je devinais qu’il avait d’autres soucis en tête.
« Giles, hasardai-je à un moment, avez-vous pensé à écrire à votre neveu ? Vous pourriez expédier une missive par une estafette. »
Il secoua vigoureusement la tête. « Non. Notre querelle a été acrimonieuse, Matthew. Il risque de ne pas
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