Si c'est un homme
que lui-même aspire précisément à être vénéré comme une idole et n'hésite pas à proclamer que « nous devons nous méfier de l'intelligence et de la conscience, et mettre toute notre foi dans les instincts ». Enfin, il se trouve qu'un grand nombre de juifs allemands occupent des positions clés dans le domaine de l'économie, de la finance, des arts, des sciences, de la littérature : Hitler, peintre manqué,
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architecte raté, reporta sur les juifs sa propre rancœur et sa jalousie de frustré.
Ce germe d'intolérance, tombant sur un terrain déjà propice, s'y enracine avec une incroyable vigueur, mais sous des formes nouvelles. L'antisémitisme de type fasciste, celui que réveille chez le peuple allemand le verbe propagandiste de Hitler, cet antisémitisme est plus barbare que tous ceux qui ont précédé on y voit converger des doctrines biologiques artificieusement déformées, selon lesquelles les races faibles doivent plier devant les races fortes, d'absurdes croyances populaires que le bon sens avait depuis des siècles reléguées dans l'obscurantisme, une propagande de tous les instants. On en arrive alors à des extrémités sans précédent. Le judaïsme n'est plus une religion dont on peut changer en se faisant baptiser, ni une tradition culturelle que l'on peut laisser pour une autre c'est une sous-espèce humaine, une race différente et inférieure à toutes les autres Les juifs ne sont des êtres humains qu'en apparence : en réalité, ils sont quelque chose de différent, d'abominable et d'indéfinissable, « plus éloignés des Allemands que les singes des hommes » , ils sont coupables de tout, du capitalisme rapace des Américains comme du bolchevisme soviétique, de la défaite de 1918 et de l'inflation de 1923 ; le libéralisme, la démocratie, le socialisme et le communisme sont de sataniques inventions juives qui menacent la solidité monolithique de l'Etat nazi.
Le passage de l'endoctrinement théorique à la réalisation pratique fut rapide et brutal. En 1933, deux mois seulement après la montée au pouvoir de Hitler, Dachau, le premier Lager, est déjà né. Au mois de mai de la même année a heu le premier autodafé de livres d'auteurs juifs ou ennemis du nazisme (mais déjà, plus
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de cent ans auparavant, Heine, poète juif allemand, avait écrit « Ceux qui brûlent les livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes »). En 1935, l'antisémitisme est codifié par une législation monumentale et extrêmement minutieuse, les Lois de Nuremberg En 1938, en une seule nuit de troubles pilotés d'en haut, on incendie 191
synagogues et on met à sac des milliers de magasins appartenant à des juifs. En 1939, alors que la Pologne vient d'être occupée, les juifs polonais sont enfermés dans des ghettos. En 1940, on inaugure le Lager d'Auschwitz. En 1941-1942, la machine exterminatrice tourne à plein régime les victimes se compteront par millions en 1944.
C'est dans la pratique routinière des camps d'extermination que la haine et le mépris instillés par la propagande nazie trouvent leur plein accomplissement.
Là en effet, il ne s'agit plus seulement de mort, mais d'une foule de détails maniaques et symboliques, visant tous à prouver que les juifs, les Tziganes et les Slaves ne sont que bétail, boue, ordure. Qu'on pense à l'opération de tatouage d'Auschwitz, par laquelle on marquait les hommes comme des bœufs, au voyage dans des wagons à bestiaux qu'on n'ouvrait jamais afin d'obliger les déportés (hommes, femmes et enfants) à rester des jours entiers au milieu de leurs propres excréments, au numéro matricule à la place du nom, au fait qu'on ne distribuait pas de cuillère (alors que les entrepôts d'Auschwitz, à la libération, en contenaient des quintaux), les prisonniers étant censés laper leur soupe comme des chiens; qu'on pense enfin à l'exploitation infâme des cadavres, traités comme une quelconque matière première propre à fournir l'or des dents, les cheveux pour en faire du tissu, les cendres pour servir d'engrais, aux hommes et aux femmes ravalés au rang de
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cobayes sur lesquels on expérimentait des médicaments avant de les supprimer.
Le moyen même qui fut choisi (après de minutieux essais) pour opérer le massacre, était hautement symbolique. On devait employer, et on employa, le gaz toxique déjà utilisé pour la désinfection des cales de bateaux et des locaux envahis par les punaises
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