Si c'est un homme
accepté avec une indifférence brutale, mais qui n'était pas expressément voulu, c'était en somme une conséquence possible de la faim, du froid, des épidémies, de l'épuisement. Pour compléter cette lugubre comparaison entre deux types d'enfer, il faut ajouter qu'en général on entrait dans les Lager allemands pour ne plus en sortir il n'y était prévu d'autre issue que la mort, alors que la réclusion dans les camps soviétiques avait toujours un terme du temps de Staline, les « coupables » étaient parfois condamnés à de très longues peines (qui pouvaient aller jusqu'à quinze ou vingt ans) avec une épouvantable désinvolture, mais il leur restait toutefois, si faible fût-il, un espoir de liberté.
Cette différence fondamentale en entraîne une série d'autres. Les rapports entre gardiens et prisonniers sont moins inhumains en Union Soviétique les uns et les autres appartiennent à un même peuple parlent la même langue, il n'y a pas chez eux de « surhommes » et de «
sous-hommes » comme chez les nazis. Les malades sont sans doute mal soignés, mais on les soigne, face à un travail trop pénible, on peut envisager une protestation, individuelle ou collective, les châtiments corporels sont rares et pas trop cruels, on peut recevoir de chez soi des lettres et des colis de vivres, bref, la personnalité humaine n'y est pas déniée, elle n'y est pas totalement condamnée. Par contre, dans les Lager allemands tout au moins pour les juifs et les Tziganes, le massacre était quasi total il n'épargnait même pas les enfants, qui furent tués par milliers dans les chambres à gaz, cas unique parmi toutes les atrocités de l'histoire de
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l'humanité. Le résultat est que les taux de mortalité sont extrêmement différents pour chacun des deux systèmes.
En Union Soviétique, il semble que, dans les pires moments, la mortalité ait atteint environ 30 % du total des entrées, et c’est déjà un chiffre intolérablement élevé, mais dans les Lager allemands, la mortalité était de 90 à 98 %.
Une récente innovation soviétique me paraît extrêmement grave celle qui consiste, en déclarant sommairement qu'ils sont fous, à faire interner certains intellectuels dissidents dans des hôpitaux psychiatriques ou on les soumet à des « traitements » qui non seulement provoquent de cruelles souffrances, mais altèrent et affaiblissent les facultés mentales. C'est la preuve que la dissidence est redoutée elle n'est plus punie, mais on cherche à la détruire par les médicaments (ou par la peur des médicaments). Cette méthode n'est peut-être pas très répandue (en 1975, ces internes politiques n'étaient, semble-t-il, pas plus d'une centaine), mais elle est odieuse parce qu'elle suppose une utilisation ignoble de la science, et une prostitution impardonnable de la part des médecins qui se prêtent aussi servilement à satisfaire les volontés du pouvoir.
Elle révèle un profond mépris pour le débat démocratique et les libertés individuelles
Toutefois, et pour ce qui est justement de l'aspect quantitatif de la question, il faut remarquer qu'en Union Soviétique le phénomène du Goulag apparaît actuellement en déclin. Il semble que dans les années cinquante les prisonniers politiques se soient comptes par millions, d'après les chiffres d'Amnesty International (une association apolitique qui a pour but de porter secours aux prisonniers politiques de tous les pays du
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monde et de toutes les opinions), ils seraient aujourd'hui (1976) environ dix mille.
En conclusion, les camps soviétiques n'en demeurent pas moins de déplorables exemples d'illégalité et d'inhumanité. Ils n'ont rien à voir avec le socialisme et défigurent au contraire le socialisme soviétique, sans doute faut-il y voir une subsistance barbare
de
l'absolutisme
tsanste,
dont
les
gouvernements soviétiques n'ont pas su ou voulu se libérer. Quand on lit les Souvenirs de la maison des morts, écrits par Dostoïevski en 1862, on y reconnaît sans peine, dans ses grandes lignes, l'univers concentrationnaire décrit cent ans plus tard par Soljénitsyne. Mais il est possible, facile même, d'imaginer un socialisme sans camps, comme il a du reste été réalise dans plusieurs endroits du monde Un nazisme sans Lager n'est pas concevable
Parmi les personnages de Si c'est un homme, quels sont ceux que vous avez revus après votre libération ?
La plupart des personnages qui apparaissent
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