Si c'est un homme
Cela nous déroute et nous réconforte en même temps, parce qu'il est peut-être souhaitable que ce qu'ils ont dit — et aussi, hélas, ce qu'ils ont fait — ne nous soit plus compréhensible. Ce sont là des paroles et des actions non humaines, ou plutôt anti-humaines, sans précédents historiques, et qu'on pourrait à grand-peine comparer aux épisodes les plus cruels de la lutte biologique pour l'existence. Car si la guerre peut avoir un rapport avec ce genre de lutte, Auschwitz n'a rien à voir avec la guerre, elle n'en constitue pas une étape, elle n'en est pas une forme outrancière. La guerre est une réalité terrible qui existe depuis toujours elle est regrettable,
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mais elle est en nous, elle a sa propre rationalité, nous la
« comprenons ».
Mais dans la haine nazie, il n'y a rien de rationnel c'est une haine qui n'est pas en nous, qui est étrangère à l'homme, c'est un fruit vénéneux issu de la funeste souche du fascisme, et qui est en même temps au-dehors et au-delà du fascisme même. Nous ne pouvons pas la comprendre, mais nous pouvons et nous devons comprendre d'où elle est issue, et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies les nôtres aussi.
C'est pourquoi nous avons tous le devoir de méditer sur ce qui s'est produit. Tous nous devons savoir, ou nous souvenir, que lorsqu'ils parlaient en public, Hitler et Mussolini étaient crus, applaudis, admirés, adores comme des dieux. C'étaient des « chefs charismatiques
», ils possédaient un mystérieux pouvoir de séduction qui ne devait rien à la crédibilité ou à la justesse des propos qu’ils tenaient mais qui venait de la façon suggestive dont ils les tenaient, à leur éloquence, à leur faconde d'histrions, peut-être innée, peut être patiemment étudiée et mise au point. Les idées qu'ils proclamaient n étaient pas toujours les mêmes et étaient en général aberrantes, stupides ou cruelles , et pourtant ils furent acclamés et suivis jusqu'à leur mort par des milliers de fidèles. Il faut rappeler que ces fidèles, et parmi eux les exécuteurs zèles d'ordres inhumains, n'étaient pas des bourreaux nés, ce n'étaient pas — sauf rares exceptions — des monstres, c'étaient des hommes quelconques Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux, ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les
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fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter, comme Eichmann, comme Hoss, le commandant d'Auschwitz, comme Stangl, le commandant de Trebhnka, comme, vingt ans après, les militaires français qui tuèrent en Algérie, et comme, trente ans après, les militaires américains qui tuèrent au Viêt-Nam.
Il faut donc nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d'autres voies que par la raison, autrement dit des chefs charismatiques nous devons bien peser notre décision avant de déléguer à quelqu'un d'autre le pouvoir de juger et de vouloir à notre place.
Puisqu’il est difficile de distinguer les vrais prophètes des faux, méfions nous de tous les prophètes, il vaut mieux renoncer aux ventes révélées, même si elles nous transportent par leur simplicité et par leur éclat, même si nous les trouvons commodes parce qu'on les a gratis. Il vaut mieux se contenter d’autres ventes plus modestes et moins enthousiasmantes, de celles que l'on conquiert laborieusement, progressivement et sans brûler les étapes, par l'étude, la discussion et le raisonnement, et qui peuvent être vérifiées et démontrées.
Bien entendu, cette recette est trop simple pour pouvoir s'appliquer à tous les cas il se peut qu'un nouveau fascisme, avec son cortège d'intolérance, d'abus et de servitude, naisse hors de notre pays et y soit importe, peut-être subrepticement et camoufle sous d'autres noms, ou qu'il se déchaîne de l'intérieur avec une violence capable de renverser toutes les barrières Alors, les conseils de sagesse ne servent plus, et il faut trouver la force de résister en cela aussi, le souvenir de ce qui s'est passé au cœur de l'Europe, il n'y a pas si longtemps, peut être une aide et un avertissement
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Que seriez vous aujourd’hui si vous n'aviez pas été prisonnier dans un Lager ? Qu'éprouvez-vous lorsque vous vous remémorez cette
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