Si c'est un homme
dans ce livre doivent malheureusement être considérés comme disparus dès l'époque du Lager ou pendant la terrible marche d'évacuation mentionnée à la page 167, d'autres sont morts plus tard des suites de maladies contractées durant leur détention, d'autres enfin sont restes introuvables malgré mes recherches. Quelques-uns seulement sont encore en vie, et j'ai pu garder ou reprendre contact avec eux.
Jean, le « Pikolo » du Chant d'Ulysse, est vivant et en bonne santé il avait perdu presque tous les membres de sa famille, mais après son retour en France il s'est marié, il a maintenant deux enfants et mené une vie
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paisible dans une petite ville de province ou il est pharmacien Nous nous voyons de temps en temps en Italie, lorsqu'il vient y passer ses vacances, ou bien c'est moi qui suis allé le trouver. Curieusement, il ne se rappelle pas grand-chose de son année à Monowitz ce qui l'a surtout marqué ce sont les souvenirs atroces du voyage d'évacuation, au cours duquel il a vu mourir d'épuisement tous ses amis (parmi lesquels Alberto).
Je vois aussi assez souvent le personnage que j'ai appelé Piero Sonnmo (p 57), le même qui apparaît dans la Trêve sous le nom de « Cesare ». Lui aussi, après une difficile période de réadaptation, il a trouvé un travail et fondé un foyer. Il vit à Rome. Il raconte volontiers, et avec beaucoup de verve, les épreuves affrontées au camp et durant le long voyage de retour, mais dans ces récits qui prennent souvent la dimension de monologues de théâtre, il tend à faire valoir les épisodes aventureux où il a eu le premier rôle plutôt que les événements tragiques auxquels il a assiste passivement
J'ai également revu Charles. Il n'avait été fait prisonnier qu'en 1944, non loin de chez lui, dans les montagnes des Vosges ou il avait pris le maquis, et n'avait donc passé qu'un mois au Lager, mais ces mois de souffrances et les choses atroces auxquelles il avait assisté l’avaient profondément marqué, et lui avaient ôté la joie de vivre et la volonté de se construire un avenir.
Revenu dans son pays après un voyage comparable à celui que j'ai raconte dans la Trêve, il a repris son métier d'instituteur dans la minuscule école de son village où, il y a peu de temps encore, il apprenait aux enfants, entre autres, à élever des abeilles et à cultiver des pépinières de sapins et de pins. Depuis quelques années, il est à la retraite, il a récemment épousé une collègue d'un certain âge, et ensemble ils se sont construit une maison neuve,
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petite mais confortable et agréable. Je suis allé les voir deux fois, en 1951 et en 1974 à cette dernière occasion, il m'a donné des nouvelles d'Arthur, qui habite dans un village voisin, il est vieux et malade, et ne désire pas recevoir de visites qui puissent réveiller en lui d'anciennes angoisses.
Mes retrouvailles avec Mendi, le « rabbin moderniste » évoqué en quelques lignes p 73 et 111, ont été dramatiques, imprévues, et pleines de joie pour tous deux Mendi s'est reconnu en lisant par hasard, en 1965, la traduction allemande de ce livre il se souvenait de moi et m'a écrit une longue lettre adressée à la Communauté Israélite de Turin. Nous nous sommes alors écrit régulièrement, en nous tenant mutuellement informés de ce qu'étaient devenus nos amis communs En 1967, je suis allé le trouver à Dortmund, en Allemagne fédérale, ou il était alors rabbin, j'ai retrouvé le même homme, «
tenace, courageux et fin », et extraordinairement cultivé.
Il a épousé une ancienne déportée d'Auschwitz et a maintenant trois grands enfants. Toute la famille a l’intention d'aller s'installer en Israël.
Je n'ai jamais revu le Doktor Pannwitz, le chimiste qui m'avait fait passer un odieux « examen d'Etat », mais j'ai eu de ses nouvelles par l'intermédiaire de ce Doktor Muller à qui j'ai consacré le chapitre Vanadium de mon livre le Système périodique. Alors que l’arrivée de l’Armée Rouge était imminente, il s’est conduit avec arrogance et lâcheté après avoir ordonné à ses collaborateurs civils de résister à outrance et leur avoir interdit de monter sur le dernier train en partance pour l'arrière, il y est lui-même monte au dernier moment, à la faveur de la confusion générale. Il est mort en 1946
d'une tumeur au cerveau.
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Comment s'explique la haine fanatique des nazis pour les juifs ?
L’aversion
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