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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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troisième fois.
    À la porte de la ville où je devais m’arrêter, former les pelotons et régulariser la tenue pour faire mon entrée, je vis venir à moi mon fils conduit par son grand-père, sa grand-mère et sa tante Élisa Belfoy. Avec quelle joie je les embrassai tous quatre, et pressai tendrement contre mon cœur mon petit Auguste ! Ce nouveau témoignage d’affection que me donnaient ces bons parents me toucha vivement. Faire un voyage de cinquante lieues pour me procurer le plaisir d’embrasser mon enfant, c’était me donner une bien grande preuve de leur attachement et m’offrir une aimable diversion aux ennuis d’une longue route. Je trouvai mon fils fort, espiègle, et plein de santé. Quarante-huit heures que je passai avec ma famille me parurent bien courtes.
    18 octobre. – À quelques heures au-delà de Bitche, marchand dans le brouillard et sur un chemin sablonneux mal tracé, le bataillon quitta la route et se dirigea à gauche vers la Bavière rhénane. Près d’arriver à la frontière, un paysan accourut, tout haletant, me prévenir de notre erreur, et nous remit dans la direction que nous devions suivre. Je le remerciai comme il convenait du service qu’il venait de me rendre, car, dans les circonstances où nous nous trouvions, une violation de ce territoire aurait pu paraître intentionnelle et donner lieu à des commentaires plus ou moins absurdes. À cette époque, l’Europe tout entière était en agitation. Les rois se préparaient à la guerre, soit pour contenir les peuples que la révolution de Juillet avait mis en mouvement, soit pour résister à la France, qu’on croyait disposée à porter ses principes en Allemagne et à faire de la propagande armée. Quels effets auraient pu produire l’apparition du drapeau tricolore dans une ancienne province française, et l’arrivée inattendue d’un bataillon qu’on aurait pris pour l’avant-garde d’une armée d’invasion ! L’alarme se serait vite répandue ; la joie ou la peur aurait grossi l’événement.
    Peu après, une demi-lieue avant Lembach, je vis venir sur la route, à ma rencontre, une espèce de troupe armée, marchant en colonne, tambour battant, drapeau déployé. Arrivée à portée de la voix, cette troupe s’arrêta et son chef cria : « Qui vive ? » Après les réponses d’usage, il s’approcha de moi, me salua de l’épée, et me dit que les citoyens de Lembach recevraient avec plaisir les soldats du brave 15 ème léger. Ce capitaine était un gamin de quinze ans, de très bonne tournure, et montrant beaucoup d’aplomb. Il commandait une compagnie de plus de cent jeunes gens, de douze à quinze ans, bien organisés, ayant tous ses officiers, ses sous-officiers, ses caporaux, ses tambours, sa cantinière, son porte-drapeau. Rien n’y manquait, pas même l’instruction et le silence. Après avoir causé quelques minutes avec cet intéressant jeune homme, je lui dis de prendre la tête de la colonne, et de nous conduire sur la place où nous devions nous arrêter. Au gîte d’étape, je le priai de venir dîner avec moi, ce qu’il fit avec grand plaisir. J’appris que c’était un capitaine en retraite qui avait eu la patience d’instruire et d’organiser ces enfants avec tant de succès. Ils faisaient plaisir à voir. Ils avaient pour armes des grands sabres en bois, dont les chefs, décorés d’épaulettes ou de galons selon leur grade, faisaient souvent usage sur le dos de leurs subordonnés. Nous étions en Alsace.
    Au résumé, de Paris à Wissembourg, ce voyage de dix-neuf jours se fit de la manière la plus heureuse. Sur toute la route, particulièrement en Champagne et en Lorraine, la population des villes se portait à notre rencontre en criant : « Vive le roi ! Vivent les grandes journées ! » Toutes les maisons étaient ornées de drapeaux tricolores, et partout les soldats reçurent bon accueil et furent fêtés. En partant de Paris, je pensais que cette route serait pour moi une source d’ennui et de désagréments, que les hommes feraient des sottises, manqueraient aux appels, resteraient en arrière. La conduite qu’ils avaient tenue dans Paris, depuis la révolution de Juillet, me le donnait à craindre. Il n’en fut rien. Quand nous arrivâmes à Wissembourg, ils étaient si peu fatigués et leur tenue si soignée que les habitants purent croire que nous venions seulement de faire une promenade matinale de quelques lieues.
    Ayant pris possession de la

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