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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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1814, aux fleurs de lis, lors du premier retour des Bourbons ; le troisième, tricolore, à l’aigle, pour les Cent-Jours ; le quatrième blanc, au second retour des bourbons, donné aux légions départementales en 1816 ; le cinquième en 1821, lorsque les régiments furent rétablis ; et le sixième et dernier, je l’espère, tricolore avec le coq gaulois. Quant à la décoration de la Légion d’honneur, elle avait eu aussi ses vicissitudes. En 1814, l’effigie de Napoléon et l’aigle impériale furent remplacés par l’effigie de Henri IV et les armoiries de France aux trois fleurs de lis ; 1815 ramena la décoration à sa forme primitive ; la catastrophe de Waterloo rétablit les Bourbons et avec eux les changements de l’année précédente ; enfin la révolution de Juillet substitua aux fleurs de lis de la monarchie de droit divin, les drapeaux tricolores de la monarchie représentative régénérée. Ainsi les écussons sont maintenant, d’un côté la figure de Henri IV, et de l’autre deux drapeaux croisés, avec la devise fondamentale : Honneur et Patrie. La croix de Saint-Louis, sans être défendue, a cessé d’être portée…
    La revue terminée, on défila rapidement, et même au pas de course, après avoir dépassé le roi, pour dégager le terrain et laisser de la place à la cavalerie et au matériel. Il était près d’être nuit, quand on rompit les rangs, sur la place du Temple neuf. Nous étions restés plus de quatorze heures sous les armes.
    Après avoir réparé les désordres de ma toilette, je me rendis au château pour y monter la garde, comme officier supérieur de jour, et comme le plus ancien chef de bataillon de l’infanterie. Ces deux titres me donnaient le droit de m’asseoir à la table du roi. J’y pris place comme officier de service, et je fis grand honneur au banquet royal. Il y avait deux tables dans la même salle, de quarante-cinq à cinquante couverts chacune : le grand duc de Bade, son frère, son beau-frère et les grands de sa cour, les envoyés de Bavière, du Wurtemberg, Hesse-Darmstadt, Francfort, etc., des généraux en activité de service ou en disponibilité, les commandants des gardes nationales, et plusieurs chefs de corps. Presque toute la suite militaire du grand duc de Bade était décorée de la Légion d’honneur. C’étaient des officiers qui avaient autrefois combattu dans nos rangs. Je causai longtemps, avec plusieurs d’entre eux, de nos anciennes guerres et de l’espérance qu’on avait que la paix ne serait pas troublée. La revue, la belle tenue, le degré d’instruction où notre jeune armée était déjà arrivée, les avaient vivement frappés. « Il n’y a que des Français, disaient-ils, capables de faire en aussi peu de temps d’aussi grandes choses. »
    Après le dîner, le roi se rendit à la salle de spectacle, où la ville donnait un bal. La salle magnifiquement décorée, quoique très spacieuse, était si pleine et la chaleur si étouffante qu’il y avait un certain courage à supporter, sans autre motif que la curiosité, une situation aussi accablante ; la place n’était vraiment pas tenable. J’y restai par devoir, et pour m’assurer si je ne rencontrerais pas une personne à qui j’avais fait la cour en 1817-1818, et avec laquelle je me serais probablement marié, si je ne fusse parti avant les dernières conventions matrimoniales. Après dix-huit à vingt mois de correspondance, tous rapports avaient cessé. Mes recherches, au milieu de ces centaines de femmes, ne furent pas vaines. Quoique passablement changés, l’un et l’autre, nous nous reconnûmes à première vue. Elle reçut avec convenance mes nouveaux hommages, m’apprit qu’elle était mariée, mère de famille et qu’elle me recevrait chez elle avec plaisir, si je lui faisais la politesse d’aller la voir. Quand je la revis le lendemain, je lui pardonnai de grand cœur les bienveillants reproches qu’elle me fit. Le temps avait amorti leur amertume, si toutefois ils étaient sérieux.
    Le roi rentra de bonne heure au palais. Mon service m’obligeait à le suivre. Je passai la nuit sur une chaise, dans la cour du château, ou me promenant avec les officiers de garde des trois armes que j’avais sous mes ordres, infanterie, cavalerie et gardes nationaux. La nuit fut aussi douce, aussi calme, que la journée avait été chaude et animée. Je déjeunai là, le lendemain 20, et dînai encore le soir, ayant reçu une invitation

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