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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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domicile dans le château du seigneur du village, qui n’avait de seigneurial que le nom, car c’était un simple rez-de-chaussée, beau et assez vaste. Nous y logions tous, officiers, sous-officiers et chasseurs et vivions tous ensemble, à la même table, comme des frères d’armes. Nous trouvâmes dans les greniers du grain ; à l’écurie, des vaches ; à la cave, de la bière et des pommes de terre ; à la grange, de la paille : en sorte que nous pûmes nous organiser pour passer les jours de repos, qui nous étaient accordés, dans une douce et tranquille aisance.
    Ce bien-être inespéré dut être souvent partagé avec des passagers, même avec des généraux, qui venaient s’asseoir à notre foyer domestique. Plus tard, quand on sut à Osterode l’espèce d’abondance dans laquelle nous vivions, on nous demanda du grain. Mais pour remplir les commandes qui nous étaient faites, il fallut battre en grange. C’était un travail peu connu de la majeure partie d’entre nous, c’était en outre bien fatigant ; nous y suppléâmes par des paysans que nous mettions en réquisition. D’abord, ils refusèrent avec obstination, mais quand ils se virent traité avec bonté, et payés en nature, nous eûmes plus de bras qu’il ne nous en fallait.
    Avec le repos et la nourriture, revinrent la santé, la propreté et la bonne tenue. Nos cadres, si faibles à notre arrivée, se complétèrent par la rentrée des hommes restés aux hôpitaux, par des vieux soldats et des nouveaux vélites venant des corps ou de France. On était aussi heureux qu’on pouvait l’espérer dans notre position. Moi et deux ou trois camarades de la compagnie, nous faisions exception, nous avions les pieds gelés.
    Dans cette fâcheuse position, je ne pouvais faire aucun service, ni suivre la compagnie en cas de départ. Le chirurgien décida que je serais envoyé sur les derrières, au petit dépôt de la Garde, de l’autre côté de la Vistule. J’en fus bien contrarié, mais le rétablissement de ma santé l’exigeait : je dus obéir.
    Le 9, je quittai le cantonnement où j’étais si bien, pour aller à Osterode, où on nous donna des voitures, car nous étions plusieurs malades ou blessés et conduits par un caporal. Le 15 mars, j’arrivai à Inowraslow ou Inowladislow.
    Du 15 mars au 14 avril, à Inowraslow : – Au lieu d’entrer à l’hôpital établi pour les troupes de la Garde impériale, je reçus un billet de logement. Le hasard me servit bien, puisque j’eus un logement chaud et tranquille, ce qui accéléra ma guérison, à laquelle je donnai tous mes soins. La ville, ainsi que je l’ai déjà dit, était exclusivement affectée aux troupes de la Garde. Le nombre des blessés et des malades était considérable, dans les premiers moments, mais l’influence du printemps commençant à se faire sentir, il diminua bien vite, et le dépôt de convalescence ne dut pas tarder après mon départ, à devenir presque inutile.
    Ce fut sur cette ville que tous nos blessés d’Eylau furent évacués. L’hôpital en était plein, quand j’arrivai, mais il ne tarda pas à se désemplir, plutôt pour cause de mort que par guérison. Le pauvre chasseur, mon bon camarade, que j’avais aidé à porter à l’ambulance, était mort en route ; un seul, sur les trois, blessés par ce boulet, allait bien et paraissait sauvé.
    Le 15 avril, j’allai rejoindre ma compagnie. Pendant mon absence, l’Empereur avait transféré son quartier général à Finckenstein, superbe château au comte de Dohna, ancien premier ministre du roi de Prusse, près de la petite ville de Rosenberg. Dans cette ville, était logée la majeure partie des officiers de la maison impériale.
    Le 27 avril, il y eut une grande revue de toute la Garde dans la plaine de Finckenstein ; un ambassadeur persan se trouvait à cette revue.

L’EMPEREUR GOÛTE LA SOUPE DE J.-B. BARRÈS.
     
    18 mai. – Sur une hauteur près de Finckenstein, pour y vivre dans des baraques que nous devions construire. Dès notre arrivée, on se mit à l’œuvre, et en peu de jours ce fut un camp de plaisance des plus intéressants. Il y eut beaucoup à travailler, bien des bois abattus, bien des maisons démolies pour construire les nôtres. C’était des actes de vandalisme qui affligeaient, mais la guerre fait une excuse.
    Le 25 mai, l’Empereur vint visiter notre camp. Il dut être satisfait, car on y avait pris peine pour le rendre digne de l’auguste visiteur.

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