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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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bivouac fit fondre la glace et le peu de neige qui, en cet endroit, la couvrait, et s’abîma dans l’eau à une assez grande profondeur. Nous en fûmes quittes pour la perte de ce que nous faisions cuire, afin de le manger avant notre départ.
    Le 6, au bivouac, autour du petit hameau de Haff. Après le terrible combat de ce jour, où l’arrière-garde russe fut hachée et presque détruite, nous restâmes en position sur une hauteur jusqu’à 11 heures du soir. Revenus sur nos pas, après cette longue faction, nous passâmes la nuit sans feu, ne nous chauffant qu’à la dérobée aux bivouacs des autres troupes qui étaient arrivées avant nous. Les quelques maisons de ce hameau étaient remplies de blessés français. Le nombre en était grand, très grand, et ils n’y étaient pas tous, les autres étant restés sur le champ de bataille, exposés à toute la rigueur de cette glaciale journée. Quelle nuit affreuse je passai ! Je regrettai bien des fois de ne pas être au nombre de ces milliers de cadavres qui nous entouraient.

EYLAU
     
    7 février 1807. – Au bivouac, sur une hauteur, à une demi-lieue en arrière d’Eylau.
    Au départ, nous repassâmes, de nouveau sur le terrain de combat de la veille et sur la position que nous avions occupée jusqu’à 11 heures du soir ; un peu plus loin, sur l’emplacement où deux régiments russes avaient été anéantis dans une charge de cuirassiers. À cet endroit, les morts étaient sur deux et trois de hauteur ; c’était effrayant. Enfin, nous traversâmes la petite ville de Landsberg sur la Stein. Après avoir laissé derrière nous cette ville, nous arrivâmes devant une grande forêt, traversée par la route que nous suivions, mais qui était tellement encombrée de voitures abandonnées, et par les troupes qui nous précédaient, que l’on fut obligé de s’arrêter pour ce motif ou pour d’autres que je ne connaissais pas. Du reste, le canon grondait fort, en avant de nous, ce qui faisait croire à un engagement sérieux. Je profitai de ce repos pour dormir, en me couchant sur la neige avec autant de volupté que dans un bon lit. J’avais les yeux malades par la fumée du bivouac de la veille, par la privation de sommeil, et par la réverbération de la neige qui surexcitait mes souffrances. J’étais arrivé au point de ne pouvoir plus me conduire. Ce repos, d’une heure peut-être, me soulagea, et me permit de continuer avec le régiment le mouvement d’en avant qui s’exécutait.
    À la sortie du bois, nous trouvâmes une plaine, et puis une hauteur que nous gravîmes. C’était pour enlever cette position que les fortes détonations, que nous avions entendues quelques heures auparavant, avaient eu lieu. Le 4 ème corps l’enleva et jeta l’ennemi de l’autre côté d’Eylau, mais il y eut de grandes pertes à déplorer. Le terrain était jonché de cadavres de nos gens ; c’est là qu’on nous établit pour passer la nuit. On se battait encore, quoiqu’il fît déjà noir depuis longtemps.
    Une fois libre, on se mit en quête de bois, de paille pour passer la nuit ; il neigeait à ne pas s’y voir, et le vent était très piquant. Je me dirigeai vers la plaine, avec cinq ou six de mes camarades. Nous trouvâmes un feu de bivouac abandonné, très ardent encore, et beaucoup de bois ramassé. Nous profitâmes de cette bonne rencontre pour nous chauffer et faire notre provision de ce que nous cherchions. Pendant que nous étions à philosopher sur la guerre et ses jouissances, le bêlement d’un mouton se fit entendre. Courir après, le saisir, l’égorger, le dépouiller, tout cela fut fait en quelques minutes. Mettre le foie sur des charbons ardents ou le faire rôtir au bout d’une baguette, nous prit moins de temps encore ; nous pûmes, par cette rencontre providentielle, sinon satisfaire notre dévorante faim, du moins l’apaiser un peu. Après la dégoûtante pâture que nous venions de faire, de retour au camp, on nous dit qu’on trouvait dans Eylau des pommes de terre et des légumes secs. Nous y allâmes, en attendant que le mouton que nous apportions pût être cuit. En effet, nous trouvâmes en assez grande quantité ce que nous cherchions ; fiers de notre trouvaille et satisfaits de contribuer pour notre part à la nourriture de nos camarades, nous revenons au camp, mais on dormait à la belle étoile, presque enseveli sous la neige. Nous qui suions malgré le froid, nous pensâmes que ce repos, après une

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