Spartacus
proposer de le racheter.
— Cours-lui après ! maugrée Lentulus Balatius.
Il ricane.
— Ils ont traversé le pont, reprend-il. Un esclave les a vus à l’aube marchant dans la direction du Vésuve. La prêtresse ouvrait la marche, et, derrière elle, venait ton Spartacus.
Il montre d’un mouvement du menton les deux jeunes gens.
— Je croyais que tu n’appréciais que les jeunes à la peau lisse, aux culs épilés. Il te faut donc aussi te frotter à la corne d’un gladiateur ?
Il hausse les épaules.
— Tu as bien la curiosité et les goûts d’un rhéteur grec, Posidionos. Tu ne peux pas dissimuler tes origines ! Mais sache-le…
Il lève la main, menace de l’index :
— Le tribun de la milice de Capoue s’est lancé à leur poursuite avec sa troupe. Je connais Amillus, il va les traquer et nous les ramener ici vivants. Je veux les avoir là – il frappe du pied le sol dallé du péristyle –, enchaînés avec la peur dans les yeux, le corps couvert de sueur, comme des bêtes sauvages qu’on a capturées, et me proposerais-tu mille talents, me supplierais-tu comme un amant aveuglé par la passion que je ne te le céderais pas ! Préteur…
Il s’incline devant Claudius Glaber.
— J’organiserai pour toi, avec ces chiens-là, des jeux comme tu ne peux même pas en imaginer. Tu as vu ce que j’ai fait du Celte ? Il a couru avec ses poings coupés comme s’il pouvait échapper à mes lions de Libye. Avec ceux-là, avec ton Spartacus, Posidionos, je veux un spectacle qu’aucun habitant de Capoue ne puisse oublier. Mes lions aiment la viande vivante. Je vais leur en donner ! Je connais mes fauves. Ils prendront leur temps. Ces jeux-là seront les plus beaux qu’un laniste ait jamais présentés dans les villes de la République. Même à Rome, préteur, tu n’auras pas vu ce que je te montrerai !
— Rattrape-les d’abord, dit sobrement Posidionos.
Il se lève, fait quelques pas sur la pelouse du jardin, s’approche de la fontaine, passe les mains sous le jet.
— Ce Thrace est comme de l’eau, continue-t-il. Il te glissera entre les doigts. En Thrace, le tribun de la VII e Légion, Calvicius Sabinius, l’avait mis en cage et avait choisi lui-même un Dace, un géant, Galvix, qui devait lui briser la nuque d’un seul coup de poing dans un combat à mort à mains nues. Et sais-tu ce qu’il est advenu ? Galvix a refusé de le tuer et a choisi de mourir.
Posidionos se rassoit près du préteur Glaber.
— Spartacus est un homme que les dieux protègent, poursuit-il. J’en suis sûr. Cette prêtresse et ce Juif guérisseur veillent sur lui. Il ne mourra que lorsque les dieux l’auront décidé. Tu voulais le jeter aux fauves ? Il s’est enfui. Tu veux le prendre vivant ? Il t’échappera, Balatius, et, s’il te revient un jour, tu n’auras que sa chair morte.
— Tu divagues, rhéteur ! Tu n’es qu’un Grec à la tête farcie de mensonges. Ici, Rome règne par le glaive et la loi. Nul ne peut défier Rome, ni un peuple ni un roi. Crois-tu qu’un chien infâme, un gladiateur thrace pourra vaincre alors qu’Hannibal et Carthage ou les centaines de milliers d’esclaves révoltés de Sicile ont été vaincus ? Tu rêves, rhéteur !
Lentulus Balatius frappe dans ses mains. Les esclaves apportent des amphores remplies de vin frais, des vasques pleines de champignons frits et de laitues, des plats chargés de grives dodues à la chair fondante.
— J’ai nourri ces chiens comme des patriciens, dit Lentulus Balatius, parlant la bouche pleine, s’essuyant les lèvres du revers de la main.
Il grommelle :
— Je veux qu’ils me rendent ma viande et mon vin avec leur chair et leur sang !
Le crépuscule étend peu à peu son voile pourpre et gris, et les pins parasols de l’allée s’effacent dans la pénombre qui semble monter du Vultume.
On allume des lampes et des torches. L’huile et la résine grésillent. Les jeunes esclaves de Posidionos se sont allongés dans le vestibule.
Tout à coup, on entend des bruits de voix. Des silhouettes s’avancent lentement, d’autres traversent en courant l’atrium, le jardin intérieur.
L’une d’elles s’incline devant Lentulus Balatius :
— J’étais avec la milice, murmure l’homme. Le tribun Amillus est blessé.
Lentulus se lève, prend l’homme aux épaules, hurle :
— Je te l’avais dit, Vacerra : ce sera eux ou toi !
Vacerra montre ses bras
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