Spartacus
faisant preuve de sang-froid et ayant imposé son autorité à cette troupe de gladiateurs et d’esclaves.
J’ai interrogé le laniste Cnaeus Lentulus Balatius, lequel a dû reconnaître que, dans sa gladiature, ce Spartacus était en effet écouté et suivi.
C’est la menace d’un châtiment que Balatius avait décidé d’infliger au même Spartacus qui a d’abord déclenché les réticences du maître d’armes du ludus, puis sa trahison, la révolte des gladiateurs et, enfin, la fuite du maître d’armes en compagnie des esclaves.
Un rhéteur grec, Posidionos, qui se trouve à Capoue, a connu Spartacus en Thrace et semble lui-même attiré par cet homme dont il souligne la bravoure. Il rappelle combien la fortune l’a déjà favorisé à plusieurs reprises. Spartacus a ainsi survécu à un combat organisé par le tribun de la VII e Légion qui ne pouvait, selon les règles, que se conclure par sa mort. Mais son adversaire a renoncé à le tuer et a préféré mourir lui-même plutôt que de le faire périr.
Le Thrace est un guerrier fier de ses origines, qu’il dit royales.
La prêtresse de Dionysos et le guérisseur juif qui l’accompagnent lui répètent qu’il est un protégé des dieux, et c’est aussi ce qu’assure Posidionos. Menée par un homme tel que celui-ci, cette révolte de gladiateurs peut constituer un grand danger pour la République.
La province de Capoue est riche. On y compte des dizaines de milliers d'esclaves travaillant dans les villas et les domaines.
Si la rumeur d’une révolte d’esclaves victorieuse se répand, elle risque de ravager la province comme un feu d’été quand le vent pousse les flammes et qu’elles dévorent moissons, forêts et greniers.
La province de Capoue est proche de Rome.
Si cette révolte de gladiateurs n’est pas étouffée, elle deviendra une guerre servile qui ne pourra être cantonnée dans une île, comme ce fut le cas en Sicile, mais qui menacera notre capitale comme le firent jadis les armées barbares.
À ce jour, la centaine de fugitifs a commencé de gravir les pentes du mont Vésuve.
Peut-être est-ce le signe que les dieux ont commencé de les aveugler, car, une fois sur ce sommet, il sera facile de les encercler.
Certes, ils possèdent aujourd’hui des armes de guerre : lances, javelots, glaives, poignards. Ils disposent des cuirasses, des casques, des boucliers, des jambières dont ils se sont emparés sur les chariots ou dont ils ont dépouillé les miliciens de Capoue.
Mais, Illustres et Vénérés Sénateurs, si vous me confiez la conduite de la poursuite et de la bataille, j’étoufferai cette révolte avant que sa rumeur n’embrase la province.
Je vous demande donc de m’autoriser à lever une armée de trois mille fantassins dont je prendrai le commandement.
J’entourerai le sommet du mont Vésuve d’une couronne de fer, puis, pas à pas, j’en ferai la conquête, ne laissant sur ces pentes que les cadavres de ces bêtes sauvages, préservant néanmoins la vie de certaines d’entre elles, et d’abord celle du guerrier thrace Spartacus pour que leur châtiment laisse à jamais le souvenir de la puissance invincible de Rome.
QUATRIÈME PARTIE
24
Spartacus marche sur cette terre grisâtre qui ressemble à une couche de cendre.
C’est une poussière fine dans laquelle brillent des éclats de métal, comme de lointaines étoiles dans un ciel d’orage.
Il s’arrête, lève la tête.
Chaque jour, quand le crépuscule embrase l’horizon et que la mer prend alors la couleur du sang, le sommet du mont Vésuve disparaît, caché par des nuages noirâtres.
— Regarde, dit Apollonia. Dionysos s’endort.
D’une main elle s’accroche au bras de Spartacus, de l’autre elle arrache une grappe rabougrie de cette vigne sauvage aux sarments épais et noueux comme des bras de gladiateur.
— C’est la terre de Dionysos ! s’exclame-t-elle.
Elle écrase les grains de raisin entre ses doigts.
Elle porte cette chair verte et gluante à sa bouche, s’en enduit les lèvres.
— C’est le sang de Dionysos ! reprend-elle.
Spartacus dégage son bras, avance jusqu’au bord du plateau, le dernier avant les pentes raides, presque verticales, qui constituent la pointe du cône dont ils ont gravi la base en courant, sautant de rocher en rocher, craignant d’être rejoints par ces troupes romaines dont les esclaves travaillant dans les champs d’orge et de
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