Spartacus
osseux, puis avait dit :
— Soyez libres comme ces flammes sacrées qui brûlent pour Dionysos ! Il est venu en Thrace, il y a allumé ce feu de liberté pour qu’aucun homme, aucune femme de ce pays n’accepte la soumission, la servitude. Soyez fidèles à la volonté de Dionysos ! Que jamais aucune chaîne n’enserre vos poignets ! Toi, Apollonia, tu es fille d’Apollon, tes cheveux ont la couleur du soleil. Toi, Spartacus, tu as la force des torrents de tes montagnes, tu es fils de roi.
Il s’était éloigné. L’une des jeunes femmes lui avait tendu une petite amphore d’argent. Il l’avait soulevée, avait bu, puis l’avait tendue à Spartacus et à Apollonia qui l’avaient à leur tour portée à leurs lèvres. Alors les jeunes femmes les avaient entourés cependant que des joueurs de flûte avaient commencé d’égrener leurs trilles, poussées par le vent de cette saison printanière.
La fête des corps, dans l’ivresse de la danse et du vin, s’était prolongée bien au-delà du crépuscule.
De jeunes guerriers avaient accroché des torches aux colonnes du temple. Elles éclairaient le terre-plein, les bosquets, la forêt de pins, et leurs lueurs se reflétaient en contrebas sur l’étendue de plus en plus noire de la mer.
Cox s’était assis sur les marches du temple, bras croisés, suivant des yeux les rondes des jeunes gens qui disparaissaient dans la futaie.
Apollonia avait été entraînée par les joueurs de flûte, Spartacus par les jeunes femmes en tunique blanche. L’on avait entendu les rires et les chants, deviné les corps mêlés.
Au milieu de la nuit, Apollonia était revenue seule et s’était assise près de Cox.
L’oracle avait posé sa main sur le genou d’Apollonia, rappelant qu’il lui avait donné ce nom dès qu’il avait vu ses cheveux blonds pareils à ceux des Barbares venus du Nord.
Elle se souvenait de cette première rencontre.
Elle s’était enfuie du village et avait marché jusqu’au temple de Dionysos. L’oracle l’avait accueillie, l’entraînant au pied de la statue du dieu. Il lui avait présenté la petite amphore d’argent et l’avait invitée à boire.
La chaleur avait alors envahi le corps d’Apollonia et elle avait eu l’impression qu’on la soulevait avant de la précipiter dans un abîme.
Lorsqu’elle était revenue à elle, elle était allongée nue dans la salle ronde qu’éclairait le feu sacré brûlant dans la vasque de bronze.
Cox était agenouillé près d’elle et frottait contre ses seins et ses cuisses de fines branches au bout desquelles étaient accrochées des pommes de pin.
Apollonia avait frissonné, éprouvé du plaisir à sentir contre sa peau ces écailles rugueuses comme des griffes d’arbre, dont Cox lui avait dit qu’elles avaient des pouvoirs n’appartenant qu’aux dieux.
Elle s’était légèrement soulevée en prenant appui sur ses coudes et elle avait découvert que ses cuisses étaient maculées de sang.
— Dionysos est entré en toi, avait murmuré Cox. Tu es désormais sa prêtresse.
Jour après jour, et chaque nuit il lui avait appris tous les jeux du corps qui donnent du plaisir.
Il l’avait instruite afin qu’elle sache honorer Dionysos, connaître les désirs et les prédictions du dieu.
Elle avait célébré sa puissance, et, peu à peu, à un signe dans le ciel, à un mouvement des branches, au crépitement du feu, elle avait su deviner l’avenir et lire le destin de ceux qui entraient dans le temple afin de consulter l’oracle.
— Maintenant, tu es devineresse, lui avait dit Cox. Laisse-toi porter par la volonté de Dionysos.
Écoute-le : il parle en toi !
Un jour, des guerriers du peuple mède en provenance de l’est de la Thrace, de la région du Strymon, et qui se dirigeaient vers la côte, avaient fait halte sur le terre-plein.
Apollonia s’était approchée avec les autres prêtresses de Dionysos. Mais elle avait refusé de se mêler aux danses et aux jeux.
L’un des guerriers était resté, comme elle, à l’écart. C’était le plus grand de tous. Sa chevelure noire couvrait son front et ses joues. Son corps était cambré, ses muscles, comme d’épaisses nervures, parcouraient ses épaules, son torse, ses bras et ses jambes.
Apollonia avait eu envie de caresser ce corps et était allée vers lui avec une amphore remplie d’huile ; lentement elle avait commencé à verser l’huile sur la nuque, le cou, les cuisses de
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