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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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Staline ne peut le supporter et interdit ainsi les deux
seuls films consacrés à Lénine après la guerre.
    Le roublard Khrouchtchev a senti très tôt ce changement. En décembre 1945,
il proposait de faire imprimer à Leipzig plusieurs ouvrages en ukrainien et
proposait un tirage deux fois plus élevé pour les œuvres de Staline que pour
celles de Lénine. Khrouchtchev ne voit dans cette occultation de Lénine que l’expression
de la vanité personnelle de Staline, dont l’attitude exprime en réalité le
rejet de l’internationalisme et de la révolution mondiale que symbolisait
Lénine, auxquels il substitue le nationalisme russe, aboutissement logique du « socialisme
dans un seul pays » national et autarcique. Guennadi Ziouganov, l’actuel
leader du très nationaliste parti communiste de la Fédération de Russie,
attribue à Staline le mérite d’avoir restauré une idéologie patriotique
nationaliste, renouant le lien avec l’ancienne Russie, fondée sur le culte du
passé russe, plus particulièrement du tsar rassembleur de terres et coupeur de
têtes, Ivan le Terrible. Staline a, en effet, entamé sa réhabilitation dès le
début de la guerre : en 1940, il fait commander une pièce sur lui à Alexis
Tolstoï, qui la mettra sur scène deux ans plus tard ; mais la censure, mal
informée ou mal rééduquée, interdit bientôt ce portrait d’Ivan en tsar
progressiste. La dissonance entre la volonté du chef et son appareil est une
des constantes du système et l’un des facteurs de sa paralysie croissante.
    Au même moment, paraît un Ivan le Terrible du
romancier provincial Vipper, que Staline fait entrer à l’Académie. Cette même année 1942,
le tout aussi provincial Kostylev publie la première partie d’une trilogie
consacrée au même héros qui vaudra à son auteur le prix Staline en 1947. L’année
précédente, Jdanov a passé commande à Eisenstein d’un film sur le même sujet,
dont Staline a validé le scénario en 1943. En janvier 1946, Staline fait
attribuer à la première partie du film le prix Staline première catégorie, mais
la seconde partie, qu’il regarde en août 1946, peu avant de partir en
vacances, le met en fureur : « Ce n’est pas un film mais une sorte de
cauchemar ! » et il met les deux parties dans le même sac : « Ses
deux films sur Ivan le Terrible, c’est une chose honteuse ! » Eisenstein
a déformé l’histoire, il a représenté l’armée d’Ivan le Terrible, « les
opritchniki, comme une bande d’idiots et de dégénérés, une sorte de Ku Klux
Klan […]. Ivan le Terrible apparaît comme un Hamlet sans volonté [1338]  ». En février 1947,
il convoque Eisenstein en présence de Molotov et de Jdanov et lui dicte ses
consignes : « On peut montrer qu’Ivan le Terrible était cruel. Mais
il faut montrer pourquoi il faut être cruel. Une des erreurs d’Ivan le Terrible
est de ne pas avoir exterminé jusqu’au dernier de leurs membres les cinq
grandes familles féodales […]. Il fallait être encore plus résolu [1339]  », comme
Staline face à ses ennemis réels ou potentiels. Les hésitations et les troubles
de conscience qui agitent le Ivan le Terrible d’Eisenstein apparaissent à
Staline comme autant d’atteintes à l’image du chef dont il est la réincarnation
moderne.
    En 1992, l’écrivain nationaliste Vladimir Solooukhine,
admirateur critique de Staline, se dira convaincu que Staline songeait à se
proclamer empereur. « Ayant, depuis longtemps, compris qu’aucune
révolution mondiale ne se produirait, il avait commencé à consolider l’État en
s’appuyant sur la population autochtone. » Il attire l’attention de son
lecteur sur neuf décisions témoignant d’un désir de restauration du passé
tsariste : « Il a réintroduit les épaulettes, la garde, l’enseignement
séparé (entre garçons et filles), l’uniforme scolaire, les écoles Souvorov
(pour l’infanterie), et Nakhimov (pour la marine) ; il a entamé la
renaissance, quoique progressive, de l’Église et rétabli le patriarcat. Il a
introduit ou commencé à introduire l’uniforme dans presque tous les services de
l’État : les cheminots, les juristes, les diplomates, les employés des
services financiers, tous avaient désormais leurs uniformes et leurs grades, c’est-à-dire
leur hiérarchie. » Il a rétabli les danses de l’époque monarchique
(polonaise, menuet, cotillons, polka, mazurka), ressuscité le concept de

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