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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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en direction des
manifestants. Il semble se terrer. Pendant quatre ans, il n’écrit que quelques
messages de nouvel an et quelques réponses laconiques à des journalistes. Malgré
la tension de la guerre froide, il ne voit l’ambassadeur américain Bedell Smith
que quatre fois en trois ans. Cet effacement facilite la circulation des
légendes au-delà même de l’URSS. Staline a toujours su jouer de la réserve pour
imposer de lui une image aux antipodes de la réalité. Avant la guerre, il a
reçu une demi-douzaine d’écrivains étrangers en dix ans : Barbusse,
Ludwig, Wells, Romain Rolland. Il a abusé Wells qui se prenait pour un fin
psychologue et qui a tracé en juillet 1934 un portrait de lui en Père
Noël : « Jamais je n’ai rencontré d’homme plus sincère, plus juste et
plus honnête, et c’est à ces qualités […] qu’il doit son ascendant
extraordinaire et incontesté sur la Russie. » Véritable spécialiste de la
désinformation, il avait réussi à convaincre Roosevelt qu’il était soumis à la
pression d’une aile dure du Bureau politique avec laquelle il devait composer.
Certes Roosevelt, diminué à la fin de sa vie, pouvait se laisser abuser
aisément par les fausses confidences de celui qu’il appelait l’Oncle Joe. Mais
l’ambassadeur américain Bedell Smith, en poste à Moscou de 1946 à 1949 et qui a
rencontré Staline à quatre reprises, s’est posé des centaines de fois, dit-il,
et très sérieusement, la question sous toutes ses variantes : « Staline
est-il un autocrate absolu […] responsable de la politique antiaméricaine de l’Union
soviétique […] ? Ou bien est-il au contraire le chef d’une minorité
pro-occidentale au sein du Bureau politique, désireuse d’arriver à un accord
acceptable avec nous, prête à l’exécuter de bonne foi pour assurer la paix
future du monde mais incapable de le faire parce que la majorité des voix
appartient aux membres de l’oligarchie qui règne au Kremlin ? » Et
Smith de conclure : « Il n’est ni un dictateur absolu ni un
prisonnier du Bureau politique [1331] . »
Truman disait encore au début de 1948, reprenant les fantaisies de
Roosevelt : « Joe est un bon type, mais il est le prisonnier du
Bureau politique. Il conclut certains accords, mais il ne peut les respecter,
on ne le lui permet pas [1332] . »
    La volonté de maintenir entre lui et le « peuple »
la distance qui confirme son statut de chef suprême au-dessus du commun des
mortels lui rend particulièrement intolérables les confidences sur sa vie
privée. En 1946, sa belle-sœur Anna Alliluieva publie des Souvenirs. Ce
livre apolitique ouvre au grand public un accès timide à la famille du Chef et
à quelques-uns de ses petits secrets intimes. Anna Alliluieva aggrave son cas
en effectuant une tournée pour promouvoir son ouvrage. La réaction de Staline,
tardive, n’en est que plus brutale. Le 14 mai 1947, la Pravda publie un article intitulé « Des intentions irresponsables », qui
accuse Anna Alliluieva d’avoir « déformé la réalité historique »,
dont témoigne le Précis de 1938. Le frère d’Anna commente alors : « Il
s’agit d’une campagne contre les Alliluiev entreprise sur l’ordre de Staline. »
    L’année 1946 est marquée par une terrible sécheresse
qui s’abat sur la Russie d’Europe et par des pluies diluviennes en Sibérie à l’époque
de la moisson. La récolte de blé, de 40 millions de tonnes, est la pire de
toute l’histoire russe. Les intempéries, jointes aux ruines de la guerre,
suscitent une nouvelle famine qui frappe des régions entières dont une fois de
plus l’Ukraine, ainsi que la Moldavie. Des millions de paysans se nourrissent d’herbes,
d’écorces d’arbres, de cadavres de chevaux, de soupes d’orties. Khrouchtchev,
alors premier secrétaire du PC ukrainien, sollicite l’aide de Moscou qui pour
toute réponse lui demande au contraire de livrer à l’État 400 millions de
pouds de blé. Il demande par télégramme à Staline, en vacances à Sotchi, des
cartes de ravitaillement et du ravitaillement. Staline lui renvoie un
télégramme d’insultes dans lequel il le traite de « type louche ».
Fin septembre, il est de retour à Moscou. Khrouchtchev, terrifié, se précipite
au Kremlin. Staline rejette sèchement toutes ses demandes.
    De retour à Kiev, Khrouchtchev découvre sur son bureau des
piles de rapports sur les décès par famine et le cannibalisme. Son

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