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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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biographie de
Staline, et les Éditions politiques d’État à […] publier en 1946 les tomes 1
à 3 des Œuvres complètes de J. Staline, en 1947 les tomes 4 à
10, en 1948 les tomes 11 à 16 [1335]  ». S’il est un domaine où les objectifs du
plan ne seront pas atteints – et de fort loin – c’est bien celui-là ;
le tome 12 ne sera en effet publié qu’à la fin de 1949, et les trois
années qui suivront verront publier le seul 13 e  tome et
préparer la maquette du tome 14 dont les héritiers suspendront sine die la publication. Ces retards, étonnants pour une publication bénéficiant d’une
priorité absolue, découlent de plusieurs contraintes : il faut établir
soigneusement la liste des textes publiables, en vérifier et modifier le
contenu par des coupures ou adjonctions dont Staline est seul juge. Il faut
insérer dans le premier tome des textes qui ne sont pas de lui, couper ici,
ajouter là pour adapter les textes d’hier aux besoins d’aujourd’hui. Cet
exercice délicat ne supporte pas l’improvisation.
    Un menu incident soulignera bientôt le caractère artificiel
du culte de Staline dans les sommets eux-mêmes. Fin juillet 1947, le tome 5
de ses œuvres complètes sort des presses. La Pravda tarde à signaler l’événement
et parvient à ne l’évoquer qu’après l’hebdomadaire La Culture et la Vie et la revue Le Bolchevik. Poskrebychev demande des explications au
rédacteur en chef, Pospelov. Sur la note d’excuses empressées mais embarrassées
de celui-ci, Staline écrit d’une encre rageuse : « Il est tout à fait
étrange que La Culture et la Vie et Le Bolchevik aient annoncé
depuis longtemps la sortie des presses du 5 e  tome et en aient
publié une recension, et que la Pravda, le principal organe de presse du
Comité central, n’ait pas eu le temps même d’annoncer la sortie du 5 e  tome. »
Certes, « la Pravda […] très occupée par des affaires plus
importantes [1336]  »,
pouvait ne pas y consacrer une recension, mais au moins ne pas publier l’information
après les deux organes ci-dessus. Sous l’ironie, on sent la vanité blessée.
    Pour parachever cette divinisation, Staline s’efforce de
modifier l’image mythologique traditionnelle du duo qu’il forme avec Lénine,
telle qu’elle a été façonnée à la fin des années 1920 et dans les années 1930.
Il ne cite pas une seule fois le nom de Lénine dans son adresse au peuple du 9 mai 1945
en l’honneur de la victoire, ni dans sa seconde adresse après la capitulation
du Japon, ni dans son discours électoral du 9 février 1946. Il ne le
citera pas non plus dans son discours au XIX e  congrès du Parti
en octobre 1952.
    Il n’est plus le meilleur disciple et le meilleur compagnon
de Lénine, il est au-dessus de lui et le pousse dans l’ombre, ce qu’il souligne
en privé lors des repas avec les membres du Bureau politique. « Staline n’épargnait
pas le nom de Lénine […] dans un cercle étroit, raconte Khrouchtchev, et
tentait de faire comprendre à son entourage qu’il avait, de Lénine, une tout
autre idée que l’avis qu’il donnait en public. Il suggérait qu’il était le
véritable inspirateur des idées que Lénine avait reprises et exprimées en son
nom [1337] . »
Il veut surtout sanctionner une rupture politique avec ce que Lénine symbolise.
Les écrivains et artistes qui ne le comprennent pas s’attirent des ennuis, dont
l’origine leur échappe. Ainsi, en 1947, Ioutkevitch tourne La Lumière sur la
Russie, qui traite de l’électrification de l’URSS. Lors de la première,
Staline, l’air maussade, multiplie les grognements de désapprobation, que
Jdanov et un haut fonctionnaire ministériel tentent de déchiffrer et de
transcrire en instructions claires. Ioutkevitch et le scénariste retouchent le
film ; sentant vaguement où le bât blesse, ils accordent une place
beaucoup plus grande à Staline, qui apparaît désormais l’égal de Lénine. Le
Bureau politique visionne le film, en l’absence de Staline en vacances à
Sotchi, et l’approuve. Une fois de retour, Staline le fait interdire. Lénine
son égal ? C’était bon hier. Le très docile dramaturge Vsevolod
Vichnievski ne l’a pas mieux compris que Ioutkevitch. Jusqu’à sa mort, Staline
lui impose une refonte permanente de son film L’Inoubliable année 1919, qui, malgré le grossissement épique, montre un Staline plus ou moins dans l’ombre
politique de Lénine.

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