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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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l’honneur
dans le corps des officiers, abandonné le titre de Secrétaire général, fait
livrer au Kremlin des emblèmes d’aigles royales, effacé la différence entre un
membre du Parti et un non-membre, qui porte en germe la dissolution du Parti.
Il a introduit enfin les termes « père », « père du peuple »,
« père des peuples », « concept typiquement monarchique, pas
bolchevik, communiste. Personne n’aurait eu l’idée de dire "père",
"père du peuple", "père des peuples" à propos de Lénine, de
Trotsky, de Sverdlov, de Zinoviev ». Ce qui est exact [1340] .
    Ces faits sont incontestables, tout comme la transformation,
en mars 1946, du Conseil des commissaires du peuple en Conseil des
ministres. Mais, à supposer que Staline y ait pensé, ce qui est très douteux,
la restauration tsariste qu’évoque Solooukhine ne pouvait se réaliser. Le
bonapartisme stalinien, reposant sur une propriété collective d’État, elle-même
née d’un bouleversement social ayant éliminé l’ancienne classe possédante et
dirigeante, est contradictoire avec une restauration impériale ; le
conflit entre eux doit se conclure, comme l’histoire le montrera à la fin des années 1980,
par la disparition de l’un ou de l’autre.
    La tentative de restauration nationaliste s’accompagne
logiquement d’un élargissement de la campagne contre l’intelligentsia, accusée
de s’agenouiller devant l’Occident. Le 14 mai 1947, Staline convoque
au Kremlin, en présence de Molotov et de Jdanov, les dirigeants de l’Union des
écrivains, Fadeiev, Simonov et Gorbatov, et leur présente un document, dont il
a lui-même dessiné les grandes lignes. Il leur répète, sans raison apparente,
ses critiques contre Pierre le Grand l’occidentaliste et son éloge d’Ivan le
Terrible, le vrai nationaliste russe, qu’il avait déjà prononcés devant
Eisenstein quatre mois plus tôt. Fadeiev lance aussitôt au plénum l’offensive
contre l’obséquiosité devant l’Occident de l’Union des écrivains de juin 1947,
sans préciser qu’il agit sur instruction de Staline. La ruse est d’autant plus
difficile à déceler que Fadeiev dénonce le comparatiste Vesselovski, mort en
1912, et son école, représentée par l’auteur, vivant, d’un ouvrage sur Pouchkine
et la littérature mondiale, accusé de s’agenouiller servilement
devant l’Occident.
    Cette campagne d’intimidation est complétée par un
dispositif institutionnel bizarre : le 28 mars 1947, Staline et
Jdanov signent ensemble un décret du Bureau politique instituant des tribunaux
d’honneur dans les ministères et les institutions centrales. Par cet étonnant
décret, Staline reconstitue, jusque dans le détail, une vieille institution de
l’armée tsariste, dont les tribunaux d’honneur permettaient de faire juger par
leurs pairs des officiers, ainsi soustraits à la justice civile. Ces tribunaux
étaient composés de cinq à sept officiers élus pour un an. D’avril à octobre 1947,
on en élit dans 82 ministères et institutions diverses. Ils doivent servir
à « éduquer les cadres des organismes de l’État dans l’esprit du
patriotisme soviétique » et à examiner tous les cas « d’actes et de
gestes antipatriotiques, antigouvernementaux et antisociaux », commis par
des cadres dirigeants [1341] .
Le 29 septembre 1947, l’appareil du Comité central, qui doit, selon
Staline, donner l’exemple de l’autocritique, est convoqué pour élire son
tribunal d’honneur. Le présidium est composé d’une douzaine de membres dont
Staline lui-même, qui surveille l’opération, Jdanov, Poskrebychev et
Kouznetsov, secrétaire du Comité central. Dans un rapport, préalablement soumis
à Staline, Kouznetsov précise : « Il s’agit de faire la chasse aux
cas de servilité et d’obséquiosité devant l’étranger. » Il menace : « Toute
une série de membres de l’appareil du Comité central commettent des actes
antipatriotiques, antigouvernementaux et antisociaux [1342] . » La
gangrène est donc au cœur du Saint des Saints, que Staline veut soumettre à une
tension permanente.
    Pour ce faire, Staline commence par frapper l’intelligentsia.
Les deux premières victimes de ces tribunaux d’honneur sont deux chercheurs,
Klioueva et Roskine, coupables d’avoir envoyé à une revue américaine un article
faisant le bilan de leurs recherches sur le traitement du cancer, accompagné de
dix ampoules du médicament

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