Templa Mentis
l’identité des témoins, ou plutôt des délateurs. L’ultime déloyauté se jouait en la salle d’interrogatoire. L’inquisiteur intervertissait noms et déclarations de témoins, le plus souvent inspirés par la vengeance, l’envie ou la crainte de représailles de la part des inquisiteurs Cependant, le piège le plus sournois, donc le plus efficace, revenait à convaincre l’accusé que tout était tenté afin de le disculper. Ainsi, se connaissait-il des ennemis acharnés au point de se parjurer pour le noircir, auquel cas leurs dénonciations seraient traitées avec la plus grande circonspection par le tribunal inquisitoire ? S’il omettait les noms de ses détracteurs les plus zélés, l’inquisiteur avait beau jeu de prétendre ensuite que leurs témoignages étaient au-dessus de tous soupçons puisque l’accusé lui-même avait reconnu l’objectivité de ces gens à son égard.
Quant à un recours, mieux valait n’en rien espérer. Un appel au pape n’avait une chance de parvenir à Rome – évitant qu’une main ne le fasse disparaître à tout jamais – que lorsqu’un de puissant s’en faisait le messager. Requérir la récusation de l’inquisiteur en espérant que les arbitres nommés pour en débattre l’acceptent ? C’était illusoire. Nul ne tenait à se mettre à dos un inquisiteur ou l’évêque associé à la procédure.
S ERVAGE : plusieurs statuts frappaient les serfs, c’est-à-dire les non-libres, variables en fonction des régions. Outre l’absence de liberté, le travail et les corvées qui leur étaient imposés, ils étaient frappés par de lourds impôts. Le servage « personnel » était indépendant de la situation économique du serf. Il s’agissait d’une forme d’esclavage qui se transmettait de génération en génération, par la mère, dans de nombreuses régions. La recommandation de l’Église, qui voulait que les enfants de serfs soient considérés comme libres, n’était pas appliquée. Le servage « réel » était, quant à lui, lié à la terre. Un serf pouvait s’en affranchir s’il abandonnait des terres et son héritage au seigneur. Au XIV e siècle, les règles s’adoucirent, les seigneurs tentant de retenir les paysans, donc la force de travail, sur leurs terres puisque ces derniers partaient vers les villes, nombre affranchissant automatiquement les nouveaux arrivants. Ce mouvement s’accéléra encore après la Grande Peste qui prit fin en 1352, environ un quart de la population ayant été décimée.
Louis XVI abolit le servage sur les domaines royaux de France et la Révolution l’abolit définitivement en 1789. Cette suppression fut beaucoup plus précoce en Angleterre sous le règne d’Elisabeth I re (1574) et beaucoup plus tardive en Russie (1861) et au Tibet (1959) par exemple.
1 - Les lecteurs intéressés pourront se référer au captivant Nos ancêtres les Gaulois de Jean-Louis Brunaux, Seuil, coll. « L’Univers historique », 2008.
2 - Cette légende est à prendre avec grande prudence. En effet, la vivisection sur humains et l’autopsie étaient interdites par le droit romain. Quant à la vivisection sur animaux, aussi ignoble soit-elle, elle fut admise jusqu’à assez récemment.
3 - Épreuve physique (fer rouge, immersion dans l’eau glacée, duel judiciaire, etc.), destinée à démontrer l’innocence ou la culpabilité. Il s’agit d’un jugement de Dieu qui sortira d’usage au XI e siècle et sera condamné par le concile de Latran IV en 1215.
4 - La remarquable historienne, grande spécialiste du Moyen Âge, Claude Gauvard ( Le Monde , 7 mai 2010), évoque la « violence de la société médiévale ».
5 - Le métier d’exécuteur des supplices et peines de mort, donc de bourreau, ne vit le jour que vers le XIII e siècle, peut-être un peu plus tôt dans certaines grandes villes, preuve qu’il y avait du « travail » !
6 - Au Moyen Âge, 10 % des adultes parvenaient à 60 ans, contre 96 % en 2000. Il est vrai que le premier pourcentage est abaissé par le nombre considérable de femmes qui décédaient en période périnatale.
7 - Au Moyen Âge, la moitié des enfants n’atteignaient pas 5 ans et seul un quart parvenait à l’âge de 15 ans.
8 - Après avoir quitté la tutelle de son père, la femme mariée était frappée d’incapacité juridique. Son statut était, bien sûr, meilleur lorsqu’elle était personnellement fortunée, même si les maris
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