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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avait chevauché à bride abattue jusqu’à Romans. On le renvoya. Le prévôt était chez lui, à préparer ses épousailles. On refusa de lui donner tout autre renseignement. Il pensa l’obtenir ailleurs, auprès des notables ou des bourgeois dont Luirieux n’avait de cesse de se recommander. Rien n’y fit. On ignorait où se situait le fief de la Vallière dont le prévôt était le petit seigneur. Il se trouva même une bonne âme pour prétendre que la maison forte avait brûlé de nombreuses années auparavant, calcinant l’épouse qu’il avait laissée dedans. Cette supposition affecta plus encore Enguerrand. Il poussa jusqu’à la Bâtie, certain qu’Hélène avait été enlevée.
    Il trouva sa mère dans le même état d’esprit. La veille, cette dernière avait reçu une lettre de la damoiselle qui lui annonçait sa grossesse et sa décision, prise durant le trajet, de donner un père à son enfant. Durant le temps qu’il l’avait escortée, sur les recommandations du baron Jacques, la délicatesse d’Hugues de Luirieux l’avait séduite. Et ses arguments plus encore, prétendait Hélène. De sorte qu’elle avait consenti sur-le-champ à sa proposition, ne doutant pas que son père ne manquerait pas de lui donner son assentiment.
    Ses arguments ! Enguerrand les connaissait bien ses arguments ! Un poignard sous la gorge ! Voilà quels ils avaient dû être !
    Pour s’en convaincre, il suffisait d’interpréter les dernières phrases du message. Fatiguée par la route, son embonpoint et les préparatifs, Hélène ne voulait voir personne avant le jour du mariage, et espérait sincèrement que les siens se réjouiraient alors avec elle de cet heureux moment.
    Aucune adresse bien évidemment pour pouvoir lui retourner le compliment !
    Enguerrand avait repris la route, furieux. Chevauché de-ci de-là dans l’espoir de dénicher un indice. Il n’en avait trouvé aucun. À croire que ce diable s’était évaporé. Et avec lui Mathieu qu’il avait espéré ramener à sa cause en lui révélant la vérité.
    Finalement, le chevalier avait décidé de revenir ventre à terre à la Rochette pour informer Algonde de ce qui se tramait et de la décision qu’il avait prise.
    Puisque Luirieux refusait de lui donner une occasion de sauver Hélène de ses griffes, tant pis. Il la prendrait au moment des noces, dût-il les baigner de sang.
    *
    Lorsque Enguerrand mit pied à terre dans la cour du manoir, Algonde se précipita pour l’accueillir. Elle savait déjà. La nouvelle était arrivée à Sassenage et Gersende était, sans plus attendre, venue la prévenir. Algonde avait espéré que le chevalier y avait trouvé parade.
    Elle trembla de découvrir le contraire.
    — Rentrons, l’entraîna-t-il par le bras. Je suis affamé, épuisé, et dégoulinant.
    Alors qu’il disparaissait dans leur antichambre, Algonde passa ses ordres pour qu’on lui prépare un bain et une collation. Puis elle s’en fut le rejoindre.
    Lorsqu’elle referma la porte derrière eux, il achevait de retirer ses bottes. Si l’heure n’avait été si grave, Algonde se serait moquée de ses manières qui, depuis l’enfance, le rapprochaient davantage d’un paysan que d’un seigneur. Au lieu de cela, elle tordit le nez et s’en fut ouvrir la fenêtre.
    Avachi sur un tabouret, Enguerrand suivit son geste.
    — Tu dois me prendre pour un rustre. Je ne t’ai pas même bisée en arrivant…
    Elle se retourna vers lui.
    — Est-ce bien l’essentiel ? Nous sommes dans un même tourment. Depuis que ma mère m’a annoncé cet hyménée, je ne vis plus. S’il n’y avait eu Présine pour me ramener à la raison, je t’aurais rejoint à Romans depuis longtemps.
    Enguerrand tiqua. Sa voix se fit dure, davantage qu’il ne l’aurait voulu.
    — Tu m’aurais gêné plus qu’autre chose.
    Algonde se sentit piquée au vif. Elle se tourna vers l’extérieur, s’attarda sur le pigeonnier dans lequel roucoulait une flopée de volatiles. La netteté de son regard n’était plus à mettre en cause ce jourd’hui. Elle l’affirma.
    — Mes yeux sont guéris.
    — Ils restent fragiles… Une rechute serait sans espoir cette fois.
    Elle fit volte-face.
    — Me prends-tu pour une enfant ?
    Il s’adoucit devant ses sourcils froncés de colère.
    — Non, tu le sais bien, Algonde. Mais hier encore tu ne pouvais aller qu’en te cognant. Et puis, trêve d’arguments, si tu as mené combat bien plus grand, par le passé,

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