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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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et il l’avait abandonnée. L’homme qu’elle aimait, son époux l’avait abandonnée. Un cri de détresse jaillit d’elle, arrachant le cœur de Khalil.
    — Il n’est pas venu me chercher. Il n’est pas venu, Khalil. Pourquoi ?
    Khalil embrassa une larme sur sa joue avant de lui broyer la main dans la sienne.
    — Il t’a crue morte longtemps avant de découvrir la vérité à travers moi, il y a quelques semaines. Elora dit qu’il n’a jamais cessé de t’aimer. Jamais…
    Mounia s’en rasséréna à peine. Le doute, celui qui tant de jours, tant de nuits avait tordu son ventre, était de nouveau là, en elle. Puissant. Elle attira son fils contre elle. Se raccrocher à lui. À lui seulement. À lui qui l’avait délivrée. Elle inspira son odeur de nouveau, comme un animal. Avant d’éclater en sanglots et de n’entendre plus rien d’autre que ces mots, comme une promesse de recommencement.
    — Si on avait su, lui et moi, crois-moi maman, on aurait arraché le cœur du sultan, défait son armée et abattu les murailles, mais on t’aurait ramenée à nous. Comme je le fais maintenant… Pardonne-lui… Pardonne-moi.
    Elle finit par s’assoupir, épuisée de trop d’émotions. Il resta près d’elle quelques longues minutes encore à se rassasier de son souffle régulier puis s’arracha à son étreinte.
    *
    Il trouva Elora avec la Khanoum, au fond de la grande salle, attablées devant des mets succulents que Bouba enfournait à pleine bouche.
    Son arrivée fit taire leur conversation.
    — Elle dort, les rassura-t-il en se laissant choir à côté d’Elora, face à la mère du sultan.
    Le petit singe n’ayant pas seulement levé le nez de son plat, Khalil s’indigna :
    — Ayo Bouba ! Foutredieu ! tu es un véritable gouffre !
    L’animal lui sauta aussitôt sur les genoux pour lui présenter ses mains peu ragoûtantes et lui offrir les fèves qu’il y avait écrasées. La Khanoum éclata d’un rire clair en voyant la grimace de Khalil.
    — Elles seront meilleures dans le plat, je crois…
    — Je crois aussi, approuva Khalil en repoussant le petit singe.
    Pas vexé, ce dernier les emboucha avant de lorgner avec gourmandise sur des dattes fourrées qu’un eunuque venait de poser sur la table.
    La Khanoum reprit un air sérieux.
    — À moins que tu ne sois affamé, Khalil, j’aurais plaisir à te voir rafraîchi et changé pour partager notre repas.
    Khalil prit soudain conscience de sa mine ensanglantée, toucha l’entaille que le poignard avait laissée à hauteur de son cœur.
    — Cela s’impose, en effet, madame, lui accorda-t-il avant d’offrir une moue boudeuse à Elora.
    — J’espère que tu n’auras pas d’autre raison de me percer le cœur…
    — Aucune qui ne soit de nécessité absolue, je le jure, lui promit-elle en souriant.
    Il se leva, prêt à suivre l’eunuque qui s’était avancé sur l’ordre de la Khanoum. Se ravisa pour se tourner vers elle.
    — Le noble Nycola s’est isolé à quelques rues d’ici, pour garder nos mules. Si vous le permettez, j’irai le chercher ensuite, avec Bouba qui me guidera.
    — Tu es ici chez toi, Khalil. Comme je viens de le dire à Elora, vous y serez mes invités jusqu’à ce que Mounia soit apte à reprendre la route.
    Il tiqua.
    — Et le sultan ?
    — Tranquillise-toi. Mon fils part à l’aube pour un voyage de plusieurs semaines. Il ne saura rien. À son retour, je lui annoncerai la mort de Mounia et l’échappée d’Elora. Il se consolera de l’une comme de l’autre dans la guerre qu’il prépare contre des tribus rebelles d’Anatolie. Vous irez en paix. C’est le moins que je puisse faire pour elle. Pour vous.
    — Les janissaires en bas ? demanda-t-il encore, soulagé.
    — Tout est réglé. J’ai donné mes ordres. À l’heure où nous parlons, plus aucune trace n’en subsiste. Quant à la première épouse, elle a été reconduite au harem. Endormie elle était là-bas, là-bas elle se réveillera.
    — Plus de sang versé, en somme…
    — Non, Khalil. Plus de sang versé, confirma Elora.
    — Il est grand temps alors que j’aille me nettoyer de celui-là, décida-t-il avec entrain, avant de leur offrir une révérence, que, la bouche en cœur, Bouba lui renvoya.

19
     
    Durant les trois semaines qui furent nécessaires au rétablissement de Mounia, la Khanoum se montra parfaite d’attentions et de générosité. Elle s’en voulait amèrement de n’avoir pas cherché

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