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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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lorsque la herse se releva. Parvenu devant, Enguerrand se retourna pour lui adresser un signe de la main. Elle le lui renvoya. Mais, lorsqu’il s’élança au galop dans un nuage de poussière, Algonde sentit monter en elle un poignant sentiment d’abandon.
    Elle se rabattit contre le mur, la gorge nouée. La pierre avait remplacé l’eau. D’une certaine manière, elle était toujours prisonnière.
    Face à elle, sculptée au manteau de la cheminée, Mélusine semblait s’en amuser.
    Alors monta en elle une rage oubliée. Celle de la petite Algonde d’autrefois qui avait bravé la fée dans le Furon. Elle s’approcha, enfonça l’œil de pierre. Elle venait d’entrevoir un moyen. Un moyen d’agir. D’exister de nouveau.
    Elle ne le laisserait pas s’envoler, cette fois.

20
     
    — Vos fourberies et mensonges ont perdu Philibert de Montoison dans le plus habile des traquenards. Je ne commettrai pas la même erreur. Une couturière viendra puisque cela s’avère nécessaire, mais elle logera au castel et sous ma surveillance. Comptez-y bien, Hélène, à partir de ce jour, je ne vous quitte pas, lui avait assené Luirieux, averti par Celma.
    Hélène s’y était résolue. Elle serait épousée, ne ferait pas scandale et donnerait l’illusion, ainsi que Luirieux l’exigeait, d’un transport de sentiment ayant rendu cette issue inéluctable.
    Pour le reste, son futur époux avait tout organisé.
    Les rapines de ces dernières semaines sous le commandement discret de Mathieu avaient grossi son trésor et, pour ce qui manquait, il avait sans scrupule exigé d’Hélène une lettre de change.
    Sitôt reçue la bénédiction de l’évêque, ils sortiraient sur la grand-place de Romans, y seraient accueillis par des lancers de pétales de rose et un lâcher de colombes. Ensuite, tout ce que la contrée comptait de gens d’importance trouverait assise autour d’une gigantesque tablée, isolée par des ballots de foin du reste de la population qui se verrait distribuer ripaille.
    Le prévôt voulait faire date, implanter des rires en place des potences.
    Et changer en musique le râle des exécutés.
    *
    Ce 27 mai, dans cette chambre que la couturière avait enfin quittée et face à son miroir, Hélène était prête.
    Habillée d’une robe vermillon, sa grossesse soulignée par une ceinture d’or enchâssée de rubis, la chevelure tressée de rubans et ramenée en chignon bas, une couronne de diamants au front qui retenait une traîne vaporeuse, elle correspondait en tous points à l’exigence du prévôt.
    Mais, sous le fard, elle était pâle.
    Ses doigts tremblaient, ses yeux brillaient.
    Elle pensait à Djem.
    Aux serments qu’ils avaient échangés.
    À la promesse qu’elle lui avait donnée de demeurer sa sultane. Pour l’éternité.
    La porte s’ouvrit derrière elle, brisant le reflet.
    — Le carrosse vous attend.
    Elle se retourna sur Briseur.
    Depuis la visite de Celma, n’ayant plus besoin de feindre hors la présence de Mathieu, il s’était adouci avec elle. Hélène avait même pu l’entraîner dans quelques discussions sitôt le couvre-feu instauré. Elle avait ainsi pu compléter le tableau que la devineresse lui avait peint de leur communauté de brigands, appris à le connaître, à apprécier ses manières un peu rustres mais teintées de vraie générosité à l’égard des siens. D’affection pour Mathieu. Elle savait désormais pouvoir compter sur eux. Faire partie du clan.
    Bien évidemment, Mathieu l’ignorait.
    Luirieux de même.
    Briseur s’approcha d’elle, la mine triste.
    — Faut pas vous en faire. On vous en débarrassera bientôt…
    Hélène essuya une larme qui avait glissé sur sa joue.
    — Je ne m’en inquiète pas, Briseur. Je songe juste à mes illusions perdues… À mon amour perdu.
    Un silence, dans lequel Hélène lissa les pans de sa jupe. Puis, un raclement en la gorge du colosse, empêtré dans ses nouveaux habits.
    — Je comprends, vous savez… (Il rougit.) Celma…
    — Oh ! fit Hélène.
    Gêné d’avoir osé l’avouer, il ramassa le bouquet posé sur un tabouret. Le lui tendit.
    — J’me dis qu’un jour… quand Mathieu aura récupéré son Algonde… faudra bien qu’elle s’en console, vous croyez pas ?
    Hélène approuva. Déchirée par cette part d’elle qui savait que certaines blessures ne se referment pas.
    — Faut descendre, maintenant, dit-il en s’inclinant pour la laisser sortir.
    Hélène inspira

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