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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ce jourd’hui m’appartient. Je me refuse à voir Luirieux abîmer Hélène comme il tortura Mounia.
    Elle s’inclina devant cet argument.
    — Je l’entends. Mais pour l’affronter tu es seul. Si encore tu n’avais pas délégué tes mercenaires à d’autres tâches…
    Il releva le menton avec détermination, donnant plus de relief encore à son visage anguleux.
    — Crois-moi, ma condition m’ouvrira passage bien mieux qu’une armée en ce jour de feste. J’approcherai Luirieux et s’il ne veut céder, je lui ferai rendre gorge, affirma-t-il alors qu’on toquait à la porte.
    Enguerrand invita à entrer.
    — Votre bain est prêt, messire, annonça le valet qui parut sur le seuil.
    Il se leva.
    — Accompagne-moi, nous n’en avons pas terminé.
    Troublée, Algonde lui emboîta le pas jusqu’à la chambre voisine. Dos à lui tandis que le valet l’aidait à se dévêtir, elle demeura silencieuse. Ils ne s’étaient aimés qu’une seule fois, dans la grotte. Pas depuis, malgré leur attachement. Ils n’avaient pas eu besoin d’en parler. Ce qui avait été spontané, ce jour-là, s’était avéré compliqué ensuite. Enguerrand aimait Mounia et attendait son retour dans le sillage d’Elora. Algonde aimait Mathieu et s’enrageait de voir passer les semaines sans pouvoir ne serait-ce que chevaucher vers lui.
    Ils étaient mariés, l’un comme l’autre, devant Dieu, à deux êtres qui les croyaient défunts. L’un comme l’autre, ils devaient renaître.
    Le mouvement de l’eau, puis le claquement discret de la porte la décidèrent à s’avancer vers un tabouret. Elle s’y installa à quelques pas de lui qui gémit de contentement.
    Algonde noua ses doigts pour contenir son angoisse.
    — As-tu vu Mathieu ?
    Il releva la nuque, un instant abandonnée sur le rebord.
    — Non. Introuvable. Comme Luirieux. Il n’y a pas eu d’autre pendaison depuis l’hiver et j’en suis venu à me demander s’il n’était pas devenu l’ombre du prévôt.
    — Pour assouvir sa vengeance contre Hélène ?
    — C’est possible. Celma ne t’a rien caché des sentiments qu’il nourrissait à son égard. Et je doute que Luirieux soit assez stupide pour mêler sa soldatesque à un enlèvement.
    Si détestable que lui soit cette idée, Algonde dut l’admettre. Cela supposait que Celma avait tenu parole la concernant. Mathieu ne savait toujours pas qu’elles étaient vivantes, Elora et elle. Elle soupira. Si seulement Présine n’avait pas été si sûre d’elle en prétendant que la malédiction serait brisée par l’acceptation de la femme serpent qu’elle était devenue au détriment de la bécaroïlle d’hier.
    — Je sais à quoi tu penses, Algonde, la faucha Enguerrand. Cesse de te torturer. Nous serons bien assez nombreux pour le convaincre le moment venu. Pour l’heure, tu dois me promettre de rester à m’attendre. À nous attendre. Inutile d’attirer sur toi les peurs irraisonnées des gens que tu as fréquentés par le passé. Je ne veux pas d’une chasse à la sorcière. Luirieux en tirerait parti, Hélène en pâtirait et alors Mathieu…
    Elle frémit.
    — Mathieu serait perdu à jamais, oui, je sais…
    Il récupéra le savon, la brosse, et se pencha en avant pour se récurer le dos.
    — Je ne veux pas que tu te reproches le départ de mes hommes. Nous en avons convenu ensemble avec Présine. Il nous faut un navire pour gagner les Hautes Terres et ils sont à même de nous en procurer un.
    Il se redressa pour se frotter. Elle détourna les yeux.
    — Je t’ai connue moins prude, s’amusa-t-il.
    Elle rougit.
    — Je ne le suis pas. C’est juste que…
    Il la coupa en plein embarras.
    — … Moi aussi j’y songe quelquefois.
    Un silence.
    Elle se leva, gênée.
    — Je vais te faire porter de l’eau propre pour te rincer.
    Il la laissa se diriger vers la porte. L’arrêta sur le seuil.
    — Je t’ai toujours aimée, Algonde, mais comme tu es destinée à Mathieu, je le suis à Mounia. Je ne supporterais pas de te perdre. Alors tu dois me faire confiance. Malgré sa charge, Hugues de Luirieux n’est qu’un petit seigneur, déprécié des grands, j’ai pu en juger. Je le ferai tomber, crois-moi.
    Elle appuya sur le loquet.
    — Tu partiras demain, je suppose…
    — À l’aube…, lui confirma-t-il en se rasseyant dans l’eau noire.
    *
    Au petit jour, Algonde plaqua son nez à la fenêtre pour regarder le ciel s’embraser. Il se nimbait de sang

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