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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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mêlent.
    Elles s’activèrent. Quelques secondes plus tard, mère et fils ne faisaient plus qu’un dans la couche rougissante. Elora voila le visage de Mounia des paumes ouvertes de son fils avant de les recouvrir des siennes.
    — Tu peux y arriver, mon aimé. Tu peux y arriver, affirma-t-elle à son oreille.
    En retrait pour ne pas la gêner, la Khanoum vit une lumière bleutée grandir doucement sous les doigts puis sous le corps de Khalil avant, peu à peu, d’emporter celui de Mounia, les enveloppant tous deux d’une douceur ineffable.
    — Une seconde naissance, murmura-t-elle, fascinée par ce prodige.
    Il lui parut plus grand encore lorsqu’ils hurlèrent quelques minutes plus tard, d’un même cri, baptisés par cet amour sans âge qui irradiait Elora.

18
     
    Ils reprirent connaissance, les yeux dans les yeux.
    — Je suis là, maman, tout va bien, je suis là, murmura Khalil en collant sa joue à la sienne.
    Mounia ne trouva pas les mots pour répondre. Elle savait. Elle avait toujours su, nourrie d’un instinct plus fort que les faits, cet instinct que les Anciens avaient distillé en elle à l’instant de ses couches, lorsqu’elle avait dû boire une goutte de l’élixir. C’était l’impuissance qui l’avait tuée. Le doute et l’impuissance, face à cette vérité interdite, refoulée.
    Elle noua ses bras à ce corps qui l’écrasait de son poids, s’en imprégna plus encore en le sentant battre contre elle. Elle reconnaissait l’odeur de sa peau, malgré celle de la sueur, du sang, des larmes et d’une vie qui l’avait entraîné loin d’elle. Elle s’en rassasia longuement, le souffle coupé, avant de murmurer enfin son nom comme un chant de lumière dans sa trop longue nuit.
    — Khalil. Mon fils. Mon tout-petit…
    Alors il s’écarta, des larmes plein le rire, tel qu’il était ce jourd’hui.
    — Non, pas petit, maman. Lourd. Trop lourd ! Je le sens. Manquerait plus que je t’étouffe à présent !
    Il roula sur le côté pour revenir aussitôt contre elle. Aimant. Rassurant. Remarquant à peine qu’Elora venait d’entraîner Bouba et la Khanoum hors de la pièce.
    — Là ! Pas d’inquiétude. Je ne te quitte plus. On ne se quitte plus…
    D’un doigt tremblant, Mounia caressa les contours du visage, suivit le tracé de la bouche, du nez, des sourcils. Pour bien le connaître dans ses traits comme elle l’avait reconnu dans sa chair. Il avait sa finesse, son menton, ses yeux, mais tout en lui…
    — Tu ressembles à ton père, murmura-t-elle, entre la joie de ce constat et la douleur, réveillée, du souvenir d’Enguerrand.
    Il faudrait qu’elle lui dise. Qu’elle lui raconte tout. Mais pas maintenant. Non, pas maintenant. Ne pas gâcher ce moment avec le malheur d’hier. Elle l’avait retrouvé. Il l’avait retrouvée. Les explications, de part et d’autre, viendraient plus tard. Lorsqu’elle aurait reconquis ses forces, sa vitalité, son allant. Elle se sentait si fatiguée encore.
    Khalil lui sourit, du bonheur plein les yeux.
    Il savait qu’il devait tout lui rendre. Pour la guérir du temps perdu. Pour l’ancrer dans le présent.
    — À ce propos… Enguerrand… il est vivant, lui aussi.
    Une seconde, il craignit que la folie ne la reprenne, tant son regard bascula soudainement dans le vide, tant sa main retomba. Il chercha le secours d’Elora. Ne le trouva pas. Appela. Il s’affola de n’obtenir aucune réponse.
    Il la secoua.
    — Reste avec moi, s’il te plaît. L’eunuque ne m’a pas jeté aux tigres, il m’a vendu à des Bohémiens. C’est comme ça que j’ai croisé la route d’Elora. Elle n’est pas comme les autres, tu l’as senti, n’est-ce pas ? C’est une fée. Elle sait pour les Anc…
    S’arrachant à son saisissement, Mounia le fit taire d’un doigt sur ses lèvres. Son regard était redevenu habité, mais de détresse cette fois. Elle murmura, d’une voix hachée, plaintive :
    — Enguerrand… mon époux… ton père… Tu es bien sûr ?… Vivant ?…
    — Des fellahs l’ont recueilli et soigné à Héliopolis. Enfin, c’est ce que m’a dit Elora. Je ne l’ai pas vu encore. Il nous racontera.
    Peu importait à Mounia qu’on lui raconte, maintenant, plus tard. Peu lui importait même qui était cette Elora… Au fond d’elle, écrasant son bonheur, un sentiment de trahison l’aspirait. Dans la tourmente sordide de ces années de mensonges, de souffrance et d’emmurement. Il était vivant

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