Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
lui-même, la combinaison la plus forte (les trois
six) étant appelée « le lancer de Vénus ».
    Outre ce penchant des paysans pour les jeux de hasard, un
certain nombre d’autres pratiques auxquelles ils s’adonnaient me semblaient
fort éloignées des admonitions et interdictions de l’Église. L’été, ils
participaient sans retenue à de tapageuses célébrations de la fête païenne
d’Isis et Osiris, se gavant comme des goinfres, buvant comme des trous et
dansant follement, sans compter d’autres turpitudes entraînant neuf mois plus
tard nombre de naissances de petits paysans. De même, bien qu’il fût normal de
baptiser le nouveau-né, de se marier chrétiennement pour un couple, ou
d’accorder au mourant l’extrême-onction, dans toutes ces occasions, les paysans
accordaient une tout autre sorte de bénédiction. Que ce fût au-dessus de la tête
du nourrisson, de la jeune épouse ou de la tombe, un ancien du village faisait
tournoyer un rudimentaire marteau fait d’une pierre sommairement reliée par des
lanières à un gros bâton. Je n’eus aucune peine, grâce à mes lectures dans la
Vieille Langue, à reconnaître dans cet objet le marteau de l’ancien dieu Thor.
Parfois aussi, sur le mur de la maison du nouveau-né, du domicile où devait
vivre la jeune mariée, ou dans la terre meuble dont on recouvrait la tombe
fraîche, l’on traçait la croix aux quatre gammas tels autant de bras recourbés
en angle, que certains appellent la « croix repliée », laquelle est
censée représenter le tournoiement du marteau de Thor.
     
    *
     
    Au hasard de mes errances, je fus bientôt devenu familier
avec chaque arbre, plante, oiseau ou animal vivant dans le Balsan Hrinkhen. De
toutes les créatures sauvages qui fréquentaient l’endroit, seule la venimeuse
vipère était à éviter, voire à tuer dans l’instant si possible. Même l’espiègle
pivert à tête rouge, de jour, était inoffensif. Je suivais souvent ses
pépiements d’un arbre à l’autre. On racontait en effet que cet oiseau avait le
don de vous conduire à un trésor caché, bien que la chose ne me soit jamais
arrivée. Mais je prenais bien garde de ne pas m’allonger pour un petit somme
dans les parages d’un pivert, ce dernier ayant également la sinistre réputation
de creuser un trou dans la tête du dormeur et d’y insérer des asticots, ce qui
avait le don de le rendre fou au réveil. Des autres volatiles, les blanches
cigognes qui s’invitaient chaque printemps s’avéraient si bruyantes qu’elles en
étaient presque insupportables, conversant entre elles en faisant cliqueter
leur bec, et produisant le tapage d’une foule dansant en sabots. Mais leur
présence était une bénédiction, car elles étaient réputées porter chance à la
maisonnée sur la cheminée de laquelle elles élisaient domicile.
    Une fois, tandis que je me promenais tranquillement, je
tombai sur un loup adulte, et une autre sur un renard. Mais je n’eus jamais à
les fuir, car chaque fois, il s’agissait d’une faible bête titubante, suivie de
près par un fermier armé d’une pioche, avec laquelle il s’empressait de
l’assommer pour en tirer la peau. D’ordinaire, ce type de prédateurs
n’entraient dans le Cirque de Baume que de nuit, et ne hantaient que ses
parties les plus éloignées des habitations. Mais les gens du coin laissaient
ici et là des morceaux de viande crue recouverte d’une poudre de buglosse
officinale pilée ayant pour effet d’étourdir et de brouiller la vue des animaux
qui l’absorbaient, et les pauvres bêtes finissaient par errer pitoyablement de
leur pas chancelant en plein jour, s’offrant ainsi en victimes sans défense.
    Le paysan qui tua le loup m’expliqua, tout en le
dépeçant :
    — Si tu tombes un jour sur un lynx dans cet état, mon
garçon, ne le tue pas. L’animal ressemble à un gros chat, mais issu en réalité
du croisement d’un renard et d’un loup, il possède des vertus magiques. Il te
faudra alors le soigner, lui faisant boire du vin doux, et récupérer son urine
dans de petites bouteilles. Tu iras les enterrer quinze jours, et en allant les
déterrer tu les retrouveras emplies de pierres de lynx, des gemmes aussi belles
et précieuses que des escarboucles.
    Je n’eus aucunement l’occasion d’expérimenter la chose,
n’ayant jamais rencontré de lynx. Mais en escaladant un arbre un après-midi, je
tombai sur un tout autre prédateur, nullement étourdi celui-là.

Weitere Kostenlose Bücher