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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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mes bras, je gagnai tant bien que mal l’endroit où j’avais laissé
le panier, y jetai l’aigle et refermai sur lui le loquet du couvercle.
    Je tins l’oiseau en captivité, et gardai la chose secrète,
car en ce lieu et à cette époque, nul n’eût compris pourquoi je tenais ainsi
prisonnier, tout en prenant la peine de le nourrir, un oiseau qui ne me donnait
rien en échange. Je logeai mon aigle dans une vaste cage à poules inutilisée
dissimulée dans le pigeonnier, où personne d’autre que moi ne se rendait
jamais, et le nourris de lézards, de crapauds, de souris et de tout ce que je
pus prendre au piège.
    À l’époque, je n’avais même jamais entendu le mot de
« fauconnerie », et ignorais bien entendu tout de cette discipline et
de cet art, à moins d’avoir hérité de mes ancêtres Goths quelque instinct
secret pour la chose. Et ce n’est pas totalement impossible, car sans l’aide de
personne, je réussis à l’apprivoiser et à le dresser. Je commençai par tailler
les ailes de l’oiseau suffisamment pour qu’il ne puisse pas s’envoler beaucoup
plus loin qu’un poulet, et la première fois que je le sortis véritablement, je
le liai au bout d’une corde. Au terme de moult tâtonnements et erreurs,
peut-être aussi grâce à l’instinct, je finis par comprendre que l’aigle pouvait
être tenu sagement perché sur mon épaule pourvu que ses yeux soient couverts,
aussi lui confectionnai-je un petit capuchon de cuir. J’attrapai et tuai un
inoffensif orvet, et m’en servis d’appât. En distribuant avec parcimonie de
petits morceaux de viande en guise de récompense, j’appris à mon aigle à fondre
sur le leurre dès que je lui criais «  Sláit ! » ,
c’est-à-dire « Tue ! », et à revenir sur mon épaule aussitôt que
je l’appelais : «  Juika-bloth ! » Je dus retrouver
beaucoup d’autres serpents, car il les déchiqueta les uns après les autres.
    Quand les ailes de l’oiseau eurent entièrement repoussé,
nous en étions là. Aussi un jour, dans un champ, je lançai mon serpent le plus
loin que je pus. Puis, non sans une secrète prière, je libérai l’oiseau de sa
longe et le laissai s’envoler librement, lui criant immédiatement : «  Sláit ! » L’oiseau aurait pu choisir de revenir sans hésiter à sa vie sauvage antérieure,
mais il y renonça. Il avait à l’évidence accepté de me considérer comme son
compagnon, son protecteur, et le pourvoyeur de sa subsistance. Obéissant,
l’aigle fondit d’un large tournoiement sur le serpent, le déchira et joua
joyeusement avec lui, jusqu’à ce que je crie : «  Juika-bloth ! » et qu’il revienne se percher sur mon épaule.
    Cette admirable bête continua désormais de me suivre et de
me servir, ainsi que je le raconterai plus tard. Tout ce que je dirai avant
d’en finir, c’est que lui et moi avions quelque chose en commun. Durant tout le
temps où nous fûmes compagnons, jamais je n’eus l’occasion de le voir convoler
avec un de ses semblables, et il me fut donc impossible de savoir si mon juika-bloth était mâle ou femelle.

 
5
    À l’époque où je me réjouissais avec suffisance d’avoir
bénéficié, au monastère Saint-Damien, d’une éducation dépassant largement celle
de mon âge, j’avais encore bien entendu énormément de choses à apprendre. En
particulier au sujet de la religion chrétienne, dans laquelle j’avais pourtant
vécu immergé depuis mes tout premiers jours.
    Sur deux sujets spécifiques, j’étais encore aussi ignorant
que le paysan le plus crédule. Je ne savais point, en premier lieu, que le
christianisme était loin d’être aussi universellement répandu qu’auraient aimé
le croire les plus fervents catholiques. J’ignorais également que celui-ci
n’avait en réalité pas grand-chose du solide édifice rigide et inflexible que
se plaisaient à décrire les prêtres. Mes instructeurs, si tant est qu’ils aient
eu conscience de ces vérités désagréables à entendre, s’étaient bien gardés de
m’en divulguer une seule. Cependant, n’ayant jamais pu vaincre l’insatiable
curiosité que déploraient tant mes tuteurs, je continuai à m’interroger sur les
choses et à les scruter avec attention, plutôt qu’à les accepter benoîtement,
comme on aurait aimé que je le fisse.
    Parmi les moments où j’eus de sérieux doutes sur notre
religion, l’un d’eux m’est tout particulièrement resté en mémoire. C’était

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