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Titus

Titus

Titel: Titus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pas vers moi. D’une voix sourde, elle s’est mise à parler.
    Je ne pouvais détacher mes yeux de son visage figé où seules les lèvres bougeaient, le regard restant fixe, braqué sur moi mais me transperçant.
    Je me suis tourné vers l’esclave et j’ai vu qu’il pleurait.
    La jeune femme s’est interrompue et l’homme a traduit.
     
    — Éléazar Ben Jaïr a réuni les plus courageux de ses compagnons, hier soir, dans l’une des salles du palais, après que le vent eut tourné, que l’incendie eut commencé d’embraser la seconde enceinte. Il a dit : « Ce n’est pas de lui-même que l’incendie qui se dirigeait vers les Romains s’est tout à coup jeté sur nous. Dieu qui autrefois nous aimait a condamné le peuple juif. Car s’il était resté bienveillant ou du moins modérément hostile, il n’aurait pas vu avec indifférence la perte d’un si grand nombre d’être humains, ni abandonné sa cité la plus sainte pour qu’on l’incendie et la détruise, qu’on souille et réduise en poussière notre sanctuaire. C’est maintenant notre tour. Nous sommes châtiés pour tous les crimes que, dans notre démence, nous avons osé commettre contre nos compatriotes. Mais nous subirons le châtiment de ces crimes non de la main de nos pires ennemis, les Romains, mais de la main de Dieu, en nous tuant nous-mêmes. Que nos femmes meurent sans avoir subi de violences, nos enfants sans faire l’expérience de l’esclavage, et, après cela, rendons-nous ce généreux service les uns aux autres en préservant notre liberté comme un noble linceul. Mais, auparavant, détruisons par l’incendie tous nos biens, et la forteresse : ce sera un crève-cœur pour les Romains, j’en suis sûr, de ne pouvoir s’emparer de nos personnes et d’être frustrés du profit. Laissons seulement les vivres, car ils témoigneront après notre mort que nous n’avons pas été vaincus par la famine, mais que, conformément à notre décision, nous avons préféré la mort à l’esclavage. Car c’est la mort qui donne à l’âme sa liberté et lui permet de partir pour le séjour qui est sa patrie et où elle sera exempte de tout malheur ! Mourons sans avoir été esclaves de l’ennemi, et, en hommes libres, quittons ensemble cette vie avec nos enfants et nos femmes ! Voilà ce que nos lois nous ordonnent, voilà de quoi nos femmes et nos enfants nous supplient ! Voilà la nécessité qui nous vient de Dieu, et le contraire c’est ce que les Romains désirent : leur crainte est qu’un seul d’entre nous meure avant la prise de la citadelle. Hâtons-nous donc de leur laisser, au lieu de la jouissance qu’ils espèrent de notre capture, la stupeur devant notre mort et l’admiration devant notre intrépidité ! »
     
    La jeune femme a repris son récit, toujours tournée vers moi, s’arrêtant après chaque phrase comme si elle avait voulu que le traducteur n’oublie aucun des mots qui décrivaient comment chaque homme avait tué sa propre femme et ses enfants, puis comment on avait tiré au sort les dix hommes qui seraient chargés d’égorger tous les autres, comment ceux-ci s’étaient couchés près de leurs femmes et de leurs enfants morts, comment ils avaient offert leur gorge. Puis, parmi les dix exécuteurs, un seul avait été chargé de tuer les neuf autres avant de se suicider.
    — Elle et moi avons voulu sauver ces enfants, et nous nous sommes cachées dans l’aqueduc souterrain, a-t-elle expliqué.
    La jeune femme a reculé, enlacé sa compagne, serré les enfants contre elle.
    J’ai pénétré avec les soldats dans le palais et j’ai vu cette foule de tués, allongés côte à côte.
    Je n’ai pas eu le courage ou la folie de me pencher sur chaque visage de femme.
    Si Léda Ben Zacchari avait réussi à atteindre Massada, elle figurait parmi les mortes. Son corps devait rester parmi elles et être, comme ces femmes, enfoui dans la terre ou enseveli sous les ruines.
    Si elle vivait, en Judée ou ailleurs, loin de Rome, Dieu seul pouvait décider que nos routes vinssent à se croiser à nouveau.
     
    J’ai regagné le camp.
    Le silence y régnait comme après une défaite.
    Je suis entré dans la tente de Flavius Silva. Il était allongé sur sa couchette, les mains croisées sous la nuque. Il s’est levé.
    — Ce mépris de la mort, a-t-il murmuré, ce courage…
    Il a eu un sourire las.
    — L’empereur ne m’accordera pas le triomphe. Quels prisonniers pourrais-je

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