Tragédies Impériales
bureaucratie tatillonne et outrageusement conservatrice, il passait sa vie aux commandes de son énorme empire, s’efforçant de laisser à Élisabeth le plus de liberté possible, puisque là était son plaisir.
Pourtant, un premier drame l’atteignit, après une première douleur, qui avait été la mort, le 20 mai 1857, de leur premier enfant, la petite Sophie. Le 19 juin 1867, son frère, l’empereur du Mexique, Maximilien, tombait sous les balles des guérilleros de Juarez et l’impératrice Charlotte sombrait dans la folie.
Le second drame écrasa les deux époux : le 20 janvier 1889, l’archiduc Rodolphe, héritier de l’Empire, se suicidait au pavillon de chasse de Mayerling, en compagnie de la jeune baronne Vetsera. De ce jour, l’impératrice voyageuse devint l’impératrice errante : ne pouvant plus endurer Vienne, elle n’y faisait que de brefs séjours, et repartait pour Corfou, pour Londres, pour Madère, pour n’importe où, se jetant aux quatre coins de l’Europe comme un oiseau affolé, suivie d’une poignée de serviteurs dévoués. La mort la hantait, celle de son fils plus encore que celle, cependant si tragique, de son cousin Louis II, mort noyé dans le lac de Starnberg. Et la mort, semblait la poursuivre. Elle lui réservait un dernier coup, particulièrement cruel : le 4 mai 1897, la plus jeune de ses sœurs, Sophie, duchesse d’Alençon, périssait brûlée vive dans l’incendie du Bazar de la Charité.
Élisabeth se trouvait alors à Lainz quand la nouvelle l’atteignit. Accablée, elle ne voulut voir personne et ne reçut que François-Joseph, accouru de Vienne pour la réconforter. Elle était alors dans un tel état de nerfs, si pâle et si souffrante que l’empereur la supplia d’aller se reposer aux eaux de Kissingen qui lui faisaient toujours grand bien.
La prévision s’avéra pour un temps, car le besoin de fuite de l’Impératrice allait la reprendre rapidement. En juin, elle retournait à Lainz, puis à Ischl, où son moral allait retomber plus bas encore.
— Elle parle tant de la mort, confia l’empereur à l’ambassadeur d’Allemagne, que je m’en trouve tout déprimé.
Mais, déjà, Ischl lui semblait étouffant. Le 29 août, partait pour Meran, afin d’y suivre une cure uvale. Elle parvint à y demeurer un mois. Quand elle quitta Méran, ce fut pour se rendre auprès de sa plus jeune fille, Marie-Valérie, mariée à l’archiduc François Salvator, prince de Toscane, depuis 1890. Le couple depuis peu le château de Wallsee et l’impératrice, un instant, s’y trouva bien.
Malheureusement, elle ne s’est jamais faite au rôle de belle-mère et, en novembre, elle s’éloigne encore : cette fois, elle quitte l’Autriche, se rend à Paris, pour y passer Noël entre ses deux sœurs, Marie, reine de Naples, et Mathilde, comtesse de Trani. Sa santé est si mauvaise qu’elle renonce à se rendre aux Canaries comme elle en avait formé le projet, au grand soulagement de François-Joseph qui, enfermé dans sa Hofburg, où il passe seul son soixantième anniversaire, lui écrit :
« Je n’ai trouvé dans ta lettre qu’une seule parole réconfortante : tu renoncerais à ton voyage sur l’océan ? Comme je t’en serais reconnaissant. Car au milieu de mes soucis politiques, te savoir en mer et rester sans nouvelles de toi, c’est plus que je n’en pourrais supporter. Par le temps qui court, tout est à craindre… »
Elle renonce aussi à se faire soigner par le docteur Metzger, un charlatan d’ailleurs, et, après avoir fleuri la tombe de la duchesse d’Alençon et celle d’Henri Heine, elle quitte à nouveau Paris avec sa dame d’honneur, la comtesse Sztaray et une suite réduite. La voilà à Marseille d’où elle gagne San Remo, où elle se remet un peu malgré une névrite dans l’épaule qui l’empêche de dormir.
« Cela finira bien un jour, écrit-elle à Marie-Valérie. Le repos éternel n’en sera que meilleur… »
Mais elle ne tarde pas à s’ennuyer. En vain, elle insiste auprès de François-Joseph pour qu’il la rejoigne à San Remo. Accablé de travail, l’empereur doit refuser mais écrit, le 25 février 1898.
« C’est attristant de penser que nous sommes éloignés depuis si longtemps ! Quand et où nous reverrons-nous ?… »
Ils devaient se revoir à Kissingen, le 25 avril. Élisabeth y était revenue après un bref séjour à Territet, sur le lac Léman, qu’elle
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