Tragédies Impériales
aimait tout particulièrement.
À Kissingen, les deux époux passent ensemble huit jours si doux et si heureux que l’empereur en est rempli de joie. Ils font ensemble de longues promenades, au cours desquelles « Sissi » manie habilement son ombrelle blanche et son éventail pour se protéger des curieux. Elle est presque gaie et, pour la conserver dans ces bonnes dispositions, François-Joseph, en regagnant Vienne, fait venir auprès d’elle Marie-Valérie.
Mère et fille retrouvent avec joie leur ancienne intimité, mais la tendresse de la jeune femme est impuissante à lutter contre les pensées morbides de la mère.
— Je désire la mort ! dit souvent Élisabeth. J’ai rayé de ma vie le mot espoir.
Peut-être pourrait-elle retrouver quelque douceur auprès de ses petits-enfants, mais leur vue lui est plus pénible qu’agréable. Prisonnière d’elle-même et de ses fantasmes, elle ne songe toujours qu’à s’échapper… fuir ! Vers où ? Pourquoi ? Elle ne le sait pas. Seule, la vue de la nature lui apporte quelque apaisement.
Quand Marie-Valérie la quitte pour rentrer chez elle, Élisabeth ne la suit pas. Elle se rend à Brükenau, puis à Ischl, où l’empereur la rejoint pour quelques jours. Lorsqu’ils se quittent de nouveau, la comtesse Sztaray remarque qu’Élisabeth a les yeux pleins de larmes. Pressentiment peut-être ? Jamais plus François-Joseph ne devait revoir Sissi…
Il lui écrit, le 17 juillet.
« Tu me manques infiniment. Toutes mes pensées sont près de toi et c’est avec douleur que je pense au temps cruellement long de la séparation. La vue de tes chambres vides me fait mal… »
Mais Élisabeth ne revient pas. Elle s’éloigne, au contraire, gagne la Suisse, qu’elle aime malgré les craintes du cabinet impérial : en effet, la Suisse est alors le rendez-vous de tous les anarchistes et de tous les révolutionnaires, que sa neutralité protège. Et il en est de dangereux…
Le 30 août, l’impératrice, sous le nom de comtesse de Hohenembs, s’installe au Grand Hôtel de Caux, au-dessus de Territet, en compagnie de la comtesse Sztaray, du général de Beszevicky, de trois autres dames d’honneur, de son lecteur grec Barker et de quelques domestiques. Le temps est superbe et, avec délices, Élisabeth reprend les longues promenades à pied qu’elle affectionne… et qui mettent au supplice ses dames d’honneur exténuées.
Au même moment, se trouvait à Genève, un homme inquiétant. Il se nommait Luigi Luccheni, âgé de vingt-six ans, Italien né à Paris ; ancien soldat à la tête farcie de journaux subversifs et qui souhaitait s’illustrer en abattant quelque « grosse tête ». En réalité, Luccheni n’était pas tellement fixé sur la personnalité qu’il voulait tuer. Anarchiste plus qu’anarchisant, il souhaitait seulement que ce fût quelqu’un de très connu et, en attendant, il s’était fabriqué une arme pour le grand jour : un tire-point de cordonnier.
— J’aimerais bien tuer quelqu’un, confiait-il alors à l’un de ses camarades anarchistes, mais il faudrait que ce soit quelqu’un de très connu, pour qu’on en parle dans les journaux.
Ainsi, muni d’une arme, Luccheni se cherche une victime et songe d’abord au prince Henri d’Orléans, qui séjourne fréquemment à Genève. Il pense aussi à partir pour Paris, afin d’intervenir dans l’affaire Dreyfus, mais le voyage coûte cher… C’est alors que les journaux annoncent la prochaine arrivée à Caux de l’impératrice Élisabeth… Dès lors, Luccheni sait qui il frappera : ce sera tellement plus facile que d’aller à Paris !
À Caux, Élisabeth reprend des forces. Elle écrit de longues lettres à sa fille, lui raconte ses excursions et lui annonce qu’elle engraisse… en ajoutant qu’elle craint terriblement de ressembler un jour à sa sœur, la reine de Naples. Elle est presque gaie, mais son entourage se met à trembler quand elle annonce son intention d’accepter l’invitation de la baronne de Rothschild, qui souhaite lui faire visiter sa villa de Pregny dont les serres sont parmi les plus belles du monde. Le général Beszevicky s’affole, et confie à la comtesse Sztaray ses inquiétudes :
— Genève est dangereuse, comtesse ! Qui sait ce qu’il peut passer par la tête de ces anarchistes qui l’infestent.
Mais Élisabeth tient à sa visite.
— Dites au général que ses inquiétudes sont ridicules,
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