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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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joindre avec d'autres pour composer une société, en sorte que tous ceux qui y entrent peuvent établir la forme de gouvernement qu'ils jugent à propos. Mais cela ayant donné occasion à quelques-uns de tomber dans l'erreur, et de s'imaginer que par nature, le gouvernement est monar­chi­que, et appartient au père; il ne faut point oublier d'examiner pourquoi, du com­men­cement, les peuples se sont attachés à cette forme-là de gouvernement. Dans la première institution des communautés, la prééminence des pères peut l'avoir produite, peut avoir été cause que tout le pouvoir a été remis entre les mains d'un seul : cependant, il est clair que ce qui obligea, dans la suite, de continuer à vivre dans la même forme de gouvernement, ne regardait point l'autorité paternelle, puisque toutes les petites monarchies, proches de leur origine, ont été ordinairement, du moins par occasion, électives.
     
    107. Premièrement donc, dans le commencement des choses, le gouvernement des pères ayant accoutumé leurs enfants, dès leur bas âge, au gouvernement d'un seul homme, et leur ayant appris que, lorsqu'il était exercé avec soin, diligence et affec­tion, à l'égard de ceux qui y étaient soumis, il suffisait, pour protéger et procurer tout le bonheur qu'on pouvait espérer raisonnablement, il ne faut pas s'étonner si les hom­mes se sont attachés à cette forme de gouvernement, à laquelle ils avaient été accou­tu­més tous dès leur enfance et qu'ils avaient, outre cela, trouvée, par l'expé­rience, aisée et sûre. On peut ajouter à cette réflexion, que la monarchie étant quelque chose de simple, et qui se présentait de soi-même à l'esprit des hommes, que l'expérience n'avait pas encore instruits des différentes formes possibles du gouverne­ment, et qui n'avaient aucune idée de l'ambition ou de l'insolence des empires, ils n'ont pu se mettre en garde contre les maux de l'autorité suprême, et les inconvénients du pouvoir absolu, que la monarchie dans la succession des temps devait s'attribuer et exercer. On trouvera, de même, moins étrange qu'ils ne se soient pas mis en peine de penser aux moyens de réprimer les entreprises outrées de ceux à qui ils avaient commis l'autorité, et de balancer le pouvoir du gouvernement, en mettant diverses Parties de ce pouvoir en différentes mains. Ils n'avaient jamais senti l'oppression de la domi­na­tion tyrannique; et les mœurs de leur temps, leurs possessions, leur manière de vivre, qui fournissaient peu de matière à l'avarice ou à l'ambition, ne leur faisaient point appréhender cette domination, et ne les obligeaient point de se précautionner contre elle. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'ils aient établi cette forme de gouvernement, qui, comme j'ai dit, non seulement s'offrait d'abord à l'esprit, mais était la plus conforme à leur condition et à leur état présent. Car ils avaient bien plus besoin de défense contre les invasions et les attentats du dehors, que d'un grand nombre de lois, de gouverneurs et d'officiers, pour régler le dedans et punir les criminels, à cause qu'ils n'avaient alors que peu de biens propres, et qu'il y en avait peu d'entre eux qui fissent tort aux autres. Comme ils s'étaient joints en société volontairement et d'un commun accord, on ne peut que supposer qu'ils avaient de la bienveillance et de l'affection les uns pour les autres, et qu'il y avait entre eux une mutuelle confiance. Ils craignaient bien plus ceux qui n'étaient pas de leur corps, qu'ils ne se craignaient les uns les autres : et par conséquent leur principal soin, et leur principale attention était de se mettre à couvert de la violence du dehors; et il leur était fort naturel d'établir entre eux la forme de gouvernement qui pouvait le plus servir à cette fin, et de choisir le plus sage et le plus brave, qui les conduisît dans leurs guerres, et les menât avec succès contre leurs ennemis, et qui, en cela principalement, fût leur gouverneur.
     
    108. Aussi voyons-nous que les Rois des Indiens dans l'Amérique, dont les ma­nières et les coutumes doivent toujours être regardées comme un modèle de ce qui s'est pratiqué dans le premier âge du monde, en Asie et en Europe, pendant que les habitants de cette partie de la terre, si éloignée des autres, ont été en petit nombre, et que ce petit nombre de gens, dans un pays si grand, et le peu d'usage et de connais­sance de l'argent monnayé, ne les ont pas

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