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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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humaine, et pour ces personnes qui ont le pouvoir de faire des lois, d'avoir aussi entre leurs mains le pouvoir de les faire exécuter, dont elles pourraient se servir pour s'exempter elles-mêmes de l'obéissance due à ces lois qu'elles auraient faites, et être portées à ne se proposer, soit en les faisant, soit lorsqu'il s'agirait de les exécuter, que leur propre avantage, et à avoir des intérêts distincts et séparés des intérêts du reste de la communauté, et contraires à la fin de la société et du gouvernement : c'est, pour cette raison, que dans les États bien réglés, où le bien public est considéré comme il doit être, le pouvoir législatif est remis entre les mains de diverses personnes, qui dûment assemblées, ont elles seules, ou conjointe­ment avec d'autres, le pouvoir de faire des lois, auxquelles, après qu'elles les ont faites et qu'elles se sont séparées, elles sont elles-mêmes sujettes; ce qui est un motif nouveau et bien fort pour les engager à ne faire de lois que pour le bien public.
     
    144. Mais parce que les lois qui sont une fois et en peu de temps faites, ont une vertu constante et durable, qui oblige à les observer et à s'y soumettre continuelle­ment, il est nécessaire qu'il y ait toujours quelque puissance sur pied qui fasse exécu­ter ces lois, et qui conserve toute leur force : et c'est ainsi que le pouvoir législatif, et le pouvoir exécutif, se trouvent souvent séparés.
     
    145. Il y a un autre pouvoir dans chaque société, qu'on peut appeler naturel, à cause qu'il répond au pouvoir que chaque homme a naturellement avant qu'il entre en société. Car, quoique dans un État les membres soient des personnes distinctes qui ont toujours une certaine relation de l'une à l'autre, et qui, comme telles, sont gouvernées par les lois de leur société, dans cette relation pourtant qu'elles ont avec le reste du genre humain, elles composent un corps, qui est toujours, ainsi que chaque membre l'était auparavant, dans l'état de nature, tellement que les différends qui arrivent entre un homme d'une société, et ceux qui n'en sont point, doivent intéresser cette société-là, et une injure faite à un membre d'un corps politique engage tout le corps à en de­man­der réparation. Ainsi, toute communauté est un corps qui est dans l'état de nature, par rapport aux autres États, ou aux personnes qui sont membres d'autres commu­nautés.
     
    146. C'est sur ce principe qu'est fondé le droit de la guerre et de la paix, des ligues, des alliances, de tous les traités qui peuvent être faits avec toutes sortes de communautés et d'États. Ce droit peut être appelé, si l'on veut, droit ou pouvoir fédé­ra­tif : pourvu qu'on entende la chose, il est assez indifférent de quel mot on se serve pour l'exprimer.

    147. Ces deux pouvoirs, le pouvoir exécutif, et le pouvoir fédératif, encore qu'ils soient réellement distincts en eux-mêmes, l'un comprenant l'exécution des lois positives de l'État, de laquelle on prend soin au-dedans de la société; l'autre, les soins qu'on prend, et certaine adresse dont on use pour ménager les intérêts de l’État, au regard des gens de dehors et des autres sociétés; cependant, ils ne laissent pas d'être presque toujours joints. Pour ce qui regarde en particulier le pouvoir fédératif, ce pouvoir, soit qu'il soit bien ou mal exercé, est d'une grande conséquence à un État; mais il est pourtant moins capable de se conformer à des lois antécédentes, stables et positives, que n'est le pouvoir exécutif; et, par cette raison, il doit être laissé à la prudence et à la sagesse de ceux qui en ont été revêtus, afin qu'ils le ménagent pour le bien public. En effet, les lois qui concernent les sujets entre eux, étant destinées à régler leurs actions, doivent précéder ces actions-là : mais qu'y a-t-il à faire de sem­blable à l'égard des étrangers, sur les actions desquels on ne saurait compter ni prétendre avoir aucune juridiction ? Leurs sentiments, leurs desseins, leurs vues, leurs intérêts peuvent varier; et on est obligé de laisser la plus grande partie de ce qu'il y a à faire auprès d'eux, à la prudence de ceux à qui l'on a remis le pouvoir fédératif, afin qu'ils emploient ce pouvoir, et ménagent les choses avec le plus de soin pour l'avan­tage de l'État.
     
    148. Quoique, comme j'ai dit, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédératif de chaque société soient réellement

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