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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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société dans laquelle ils entrent, tout leur pouvoir naturel, et que la communauté remet le pouvoir législatif entre les mains de ceux qu'elle juge à propos, dans l'assurance qu'ils gouverneront par les lois établies et publiées : autrement, la paix, le repos et les biens de chacun seraient toujours dans la même incertitude et dans les mêmes dangers qu'ils étaient dans l'état de nature.
     
    137. Un pouvoir arbitraire et absolu, et un gouvernement sans lois établies et stables, ne saurait s'accorder avec les fins de la société et du gouvernement. En effet, les hommes quitteraient-ils la liberté de l'état de nature pour se soumettre à un gouvernement dans lequel leurs vies, leurs libertés, leur repos, leurs biens ne seraient point en sûreté? On ne saurait supposer qu'ils aient l'intention, ni même le droit de donner à un homme, ou à plusieurs, un pouvoir absolu et arbitraire sur leurs person­nes et sur leurs biens, et de permettre au magistrat ou au prince, de faire, à leur égard, tout ce qu'il voudra, par une volonté arbitraire et sans bornes; ce serait assurément se mettre dans une condition beaucoup plus mauvaise que n'est celle de l'état de nature, dans lequel on a la liberté de défendre son droit contre les injures d'autrui, et de se maintenir, si l'on a assez de force, contre l'invasion d'un homme, ou de plusieurs joints ensemble. En effet, supposant qu'on se soit livré au pouvoir absolu et à la volonté arbitraire d'un législateur, on s'est désarmé soi-même, et on a armé ce légis­lateur, afin que ceux qui lui sont soumis, deviennent sa proie, et soient traités comme il lui plaira. Celui-là est dans une condition bien plus fâcheuse, qui est exposé au pouvoir arbitraire d'un seul homme, qui en commande 100 000, que celui qui  est exposé au pouvoir arbitraire de 100 000 hommes particuliers, personne ne pouvant s'assurer que ce seul homme, qui a un tel commandement, ait meilleure volonté que n'ont ces autres, quoique sa force et sa puissance soit cent mille fois plus grande. Donc, dans tous les États, le pouvoir de ceux qui gouvernent doit être exercé selon des lois publiées et reçues, non par des arrêts faits sur-le-champ, et par des résolutions arbitraires : car autrement, on se trouverait dans un plus triste et plus dangereux état que n'est l'état de nature, si l'on avait armé du pouvoir réuni de toute une multitude, une personne, ou un certain nombre de personnes, afin qu'elles se fissent obéir selon leur plaisir, sans garder aucunes bornes, et conformément aux décrets arbitraires de la première pensée qui leur viendrait, sans avoir jusqu'alors donné à connaître leur volonté, ni observé aucunes règles qui pussent justifier leurs actions. Tout le pouvoir d'un gouvernement n'étant établi que pour le bien de la société, comme il ne saurait, par cette raison, être arbitraire et être exercé suivant le bon plaisir, aussi doit-il être exercé suivant les lois établies et connues; en sorte que le peuple puisse connaître son devoir, et être en sûreté à l'ombre de ces lois; et qu'en même temps les gouverneurs se tiennent dans de justes bornes, et ne soient point tentés d'employer le pouvoir qu'ils ont entre les mains, pour suivre leurs passions et leurs intérêts, pour faire des choses incon­nues et désavantageuses à la société politique, et qu'elle n'aurait garde d'approuver.
     
    138. En troisième lieu, la suprême puissance n'a point le droit de se saisir d'aucu­ne partie des biens propres d'un particulier, sans son consentement. Car, la conser­vation de ce qui appartient en propre à chacun étant la fin du gouvernement, et ce qui engage à entrer en société; ceci suppose nécessairement que les biens propres du peuple doivent être sacrés et inviolables : ou il faudrait supposer que des gens entrant dans une société auraient par là perdu leur droit à ces sortes de biens, quoiqu'ils y fussent entrés dans la vue d'en pouvoir jouir avec plus de sûreté et plus commodé­ment. L'absurdité est si grande, qu'il n'y a person­ne qui ne la sente. Les hommes donc, possédant, dans la société, les choses qui appartiennent en propre, ont un si grand droit sur ces choses, qui, par les lois de la communauté, deviennent leurs, que person­ne ne peut les prendre, ou toutes, ou une partie, sans leur consentement. En sorte que si quelqu'un pouvait s'en saisir, dès lors ce ne seraient plus des biens propres. Car, à dire vrai,

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