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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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entrant dans une société, et ce pourquoi le peuple s'est soumis aux législateurs qu'il a créés lui-même; quand les législateurs s'efforcent de ravir et de détruire les choses qui appartien­nent en propre au peuple, ou de le réduire dans l'esclavage, sous un pouvoir arbitraire, ils se mettent dans l'état de guerre avec le peuple qui, dès lors, est absous et exempt de toute sorte d'obéissance à leur égard, et a droit de recourir à ce commun refuge que Dieu a destiné pour tous les hommes, contre la force et la violence. Toutes les fois donc que la puissance législative violera cette règle fondamentale de la société, et, soit par ambition, ou par crainte, ou par folie, ou par dérèglement et par corruption, tâchera de se mettre, ou de mettre d'autres, en possession d'un pouvoir absolu sur les vies, sur les libertés, et sur les biens du peuple, par cette brèche qu'elle fera à son crédit et à la confiance qu'on avait prise en elle, elle perdra entière­ment le pouvoir que le peuple lui avait remis pour des fins directement opposées à celles qu'elle s'est proposées, et il est dévolu au peuple qui a droit de reprendre sa liberté originaire, et par l'établissement d'une nouvelle autorité législative, telle qu'il jugera à propos, de pourvoir à sa propre conservation, et à sa propre sûreté, qui est la fin qu'on se propose quand on forme une société politique. Or, ce que j'ai dit, en général, touchant le pou­voir législatif, regarde aussi la personne de celui qui est revêtu du pouvoir exécutif, et qui ayant deux avantages très considérables, l'un, d'avoir sa part de l'autorité légis­lative; l'autre, de faire souverai­nement exécuter les lois, se rend doublement et extrêmement coupable, lorsqu'il entreprend de substituer sa volonté arbitraire aux lois de la société. Il agit aussi d'une manière contraire à son crédit, à sa commission et à la confiance publique, quand il emploie les forces, les trésors, les charges de la société, pour corrompre les membres de l'assemblée représentative, et les gagner en faveur de ses vues et de ses intérêts particuliers; quand il agit par avance et sous-main auprès de ceux qui doivent élire les membres de cette assemblée, et qu'il leur prescrit d'élire ceux qu'il a rendus, par ses sollicitations, par ses menaces, par ses promesses, favorables à ses desseins, et qui lui ont promis déjà d'opiner de la manière qu'il lui plairait. En effet, disposer les choses de la sorte, n'est-ce pas dresser un nouveau modèle d'élection, et par là renverser de fond en comble le gouvernement, et empoisonner la source de la sûreté et de la félicité publiques? Après tout, le peuple s'étant réservé le privilège d'élire ceux qui doivent le représenter, comme un rempart qui met à couvert les liens propres des sujets, il ne saurait avoir eu d'autre but que de faire en sorte que les membres de l'assemblée législative fussent élus librement, et qu'étant élus librement, ils pussent agir aussi et opiner librement, examiner bien toutes choses, et délibérer mûrement et d'une manière conforme aux besoins de l'État et au bien public. Mais ceux qui donnent leurs suffrages avant qu'ils aient entendu opiner et raisonner les autres, et aient pesé les raisons de tous, ne sont point capables, sans doute, d'un examen et d'une délibération de cette sorte. Or, quand celui qui a le pouvoir exécutif dispose, comme on vient de dire, de l'assemblée des législateurs, certainement, il fait une terrible brèche à son crédit et à son autorité; et sa conduite ne saurait être envisagée que comme une pleine déclaration d'un dessein formé de ren­ver­ser le gouvernement. A quoi, si l'on ajoute les récompenses et les punitions em­ployées visiblement pour la même fin, et tout ce que l'artifice et l'adresse ont de plus puissant, mis en usage pour corrompre les lois et les détruire, et perdre tous ceux qui s'opposent au dessein funeste qui a été formé, et ne veulent point trahir leur patrie et vendre, à beaux deniers comptants, ses libertés; on ne sera point en peine de savoir ce qu'il est expédient et juste de pratiquer en cette rencontre. Il est aisé de comprendre quel pouvoir ceux-là doivent avoir dans la société, qui se servent de leur autorité pour des fins tout à fait opposées à sa première institution; et il n'y a personne qui ne voie que celui qui a une fois entrepris et exécuté les choses que nous venons de

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