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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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voir, ne doit pas jouir longtemps de son crédit et de son autorité.
     
    223. On objectera peut-être à ceci que le peuple étant ignorant, et toujours peu content de sa condition, ce serait exposer l'État à une ruine certaine, que de faire dé­pen­dre la forme de gouvernement et l'autorité suprême, de l'opinion inconstante et de l'humeur incertaine du peuple, et que les gouvernements ne subsisteraient pas long­temps, sans doute, s'il lui était permis, dès qu'il croirait avoir été offensé, d'établir une nouvelle puissance législative. je réponds, au contraire, qu'il est très difficile de porter le peuple à changer la forme de gouvernement à laquelle il est accoutumé; et que s'il y avait dans cette forme quelques défauts originaires, ou qui auraient été introduits par le temps, ou par la corruption et les dérèglements du vice, il ne serait pas aussi aisé qu'on pourrait croire, de l'engager à vouloir remédier à ces défauts et à ces désordres, quand même tout le monde verrait que l'occasion serait propre et favorable.
    L'aversion que le peuple a pour ces sortes de changements, et le peu de dispo­sition qu'il a naturellement à abandonner ses anciennes constitutions, ont assez paru dans les diverses révolutions qui sont arrivées en Angleterre, et dans ce siècle, et dans les précédents. Malgré toutes les entreprises injustes des uns et les mécontentements justes des autres, et après quelques brouilleries, l'Angleterre a toujours conservé la même forme de gouvernement, et a voulu que le pouvoir suprême fût exercé par le Roi et par le parlement, selon l'ancienne coutume. Et ce qu'il y a de bien remarquable encore, c'est que, quoique les Rois aient souvent donné grands sujets de méconten­tement et de plainte, on n'a jamais pu porter le peuple à abolir pour toujours la royauté, ni à transporter la couronne à une autre famille.
     
    224. Mais du moins, dira-t-on, cette hypothèse est toute propre à produire des fréquentes rébellions. Je réponds, premièrement, que cette hypothèse n'est pas plus propre à cela qu'une autre. En effet, lorsqu'un peuple a été rendu misérable, et se voit exposé aux effets funestes du pouvoir arbitraire, il est aussi disposé à se soulever, dès que l'occasion se présentera, que puisse être un autre qui vit sous certaines lois, qu'il ne veut pas souffrir qu'on viole. Qu'on élève les Rois autant que l'on voudra ; qu'on leur donne tous les titres magnifiques et pompeux qu'on a coutume de leur donner; qu'on dise mille belles choses de leurs personnes sacrées; qu'on parle d'eux comme d'hommes divins, descendus du Ciel et dépendants de Dieu seul : un peuple générale­ment maltraité contre tout droit n'a garde de laisser passer une occasion dans laquelle il peut se délivrer de ses misères, et secouer le pesant joug qu'on lui a imposé avec tant d'injustice. Il fait plus, il désire, il recherche des moyens qui puissent mettre fin à ses maux : et comme les choses humaines sont sujettes à une grande inconstance, les affaires ne tardent guère à tourner de sorte qu'on puisse se délivrer de l'esclavage. Il n'est pas nécessaire d'avoir vécu longtemps, pour avoir vu des exemples de ce que je dis : ce temps-ci en fournit de considérables; et il ne faut être guère versé dans l'his­toire, si l'on n'en peut produire de semblables, à l'égard de toutes les sortes de gouvernements qui ont été dans le monde.
     
    225. En second lieu, je réponds que les révolutions dont il s'agit, n'arrivent pas dans un état pour de légères fautes commises dans l'administration des affaires publi­ques. Le peuple en supporte même de très grandes, il tolère certaines lois injustes et fâcheuses, il souffre généralement tout ce que la fragilité humaine fait pratiquer de mauvais à des Princes, qui, d'ailleurs, n'ont pas de mauvais desseins. Mais si une longue suite d'abus, de prévarications et d'artifices, qui tendent à une même fin, don­nent à entendre manifestement à un peuple, et lui font sentir qu'on a formé des desseins funestes contre lui, et qu'il est exposé aux plus grands dangers ; alors, il ne faut point s'étonner s'il se soulève, et s'il s'efforce de remettre les rênes du gouverne­ment entre les mains qui puissent le mettre en sûreté, conformément aux fins pour lesquelles le gouvernement a été établi, et sans lesquelles, quelque beaux noms qu'on donne à des sociétés politiques, et quelque considérables

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