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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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ne saurait subsister; cela étant aussi impossible qu'il l'est que la structure d'une maison subsiste, après que les matériaux, dont elle avait été construite, ont été séparés les uns des autres, et mis en désordre par un tourbillon, ou ont été mêlés et confondus les uns avec les autres en un monceau par un tremblement de terre.

     
    212. Outre ce renversement causé par les gens de dehors, les gouvernements peu­vent être dissous par des désordres arrivés au-dedans.
    Premièrement, cette dissolution peut arriver lorsque la puissance législative est altérée. Car la société civile est un état de paix pour ceux qui en sont membres; on en a entièrement exclu l'état de guerre; on a pourvu, par l'établissement de la puissance législative, à tous les désordres intérieurs, à tous les différends, et à tous les procès qui pourraient s'élever entre ceux qui composent une même communauté. Il a été arrêté, par le moyen du pouvoir législatif, que les membres de l'État seraient unis, composeraient un même corps, et vivraient dans la possession paisible de ce qui leur appartient. La puissance législative est donc l'âme du corps politique; c'est d'elle que tous les membres de l'État tirent tout ce qui leur est nécessaire pour leur conservation, pour leur union, et pour leur bonheur. Tellement que quand le pouvoir législatif est ruiné ou dissous, la dissolution, la mort de tout le corps politique s'ensuit. En effet, l'essence et l'union d'une société consistant à n'avoir qu'une même volonté et qu'un même esprit, le pouvoir législatif a été établi par le plus grand nombre, pour être l'inter­prète et comme le gardien de cette volonté et de cet esprit. L'établissement du pouvoir législatif est le premier et fondamental acte de la société, par lequel on a pourvu à la continuation de l'union de tous les membres, sous la direction de certaines personnes, et des lois faites par ces personnes que le peuple a revêtues d'autorité, mais de cette autorité, sans laquelle qui que ce soit n'a droit de faire des lois et de les proposer à observer. Quand un homme ou plusieurs entreprennent de faire des lois, quoiqu'ils n'aient reçu du peuple aucune commission pour cela, ils font des lois sans autorité, des lois par conséquent auxquelles le peuple n'est point tenu d'obéir ; au contraire, une semblable entreprise rompt tous les liens de la sujétion et de la dépen­dance, s'il y en avait auparavant, et fait qu'on est en droit d'établir une nouvelle puis­sance législative, comme on trouve à propos; et qu'on peut, avec une liberté entière, résister à ceux qui, sans autorité, veulent imposer un joug fâcheux, et assujettir à des choses contraires aux lois et à l'avantage de l'État. Chacun est maître, sans doute, et peut disposer de sa volonté particulière, lorsque ceux qui, par le désir et le consen­te­ment de la société ont été établis pour être les interprètes et les gardiens de la volonté publique, n'ont pas la liberté d'agir comme ils souhaiteraient, et conformé­ment à leur commission ; et que d'autres usurpent leur autorité, et se portent à faire des lois et des règlements, sans en avoir reçu le pouvoir.
     
    213. Voilà comme les choses arrivent d'ordinaire dans les États, quand ceux qui ont été revêtus d'autorité abusent de leur pouvoir. Du reste, il n'est pas aisé de considérer ces sortes de cas comme il faut et sans se tromper, a moins qu'on n'ait une idée distincte de la forme de gouvernement dont il est question. Supposons donc un État où,
1º Une seule personne ait toujours le pouvoir suprême et le droit héréditaire de faire exécuter les lois, de convoquer et de dissoudre, en certains temps, l'assemblée qui a l'autorité législative;
    2º Où il y ait de la noblesse, a qui sa naissance donne droit d'assister à cette assemblée et d'en être membre;
    3º Ou il y ait des gens assemblés qui représentent le peuple, pour un certain temps.
     
    214. Cela étant supposé, il est évident, premièrement, que lorsque cette seule personne, ou ce Prince, dont il vient d'être fait mention, met sa volonté arbitraire en la place des lois, qui sont la volonté de la société, déclarée par le pouvoir législatif, le pouvoir législatif est changé; car cette assemblée, dont les règlements et les lois doivent être exécutés, étant véritablement le pouvoir législatif, si l'on substitue et appuie d'autres lois et d'autres

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