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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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tous soient en mesure de les lire. Et les passagers firent ce que Troper avait suggéré : ils reprirent espoir.
    En effet, à Paris, Troper était en train de soulever ciel et terre pour convaincre les autorités françaises ainsi que celles des autres pays européens d’ouvrir leur porte aux errants du Saint-Louis.
    Pour ce qui était de la France, il bénéficiait de deux soutiens infiniment précieux : M me  Louise Weiss, secrétaire générale aux réfugiés [76] , et le baron Guy de Rothschild. Ce dernier estimait que si Troper parvenait à convaincre les Anglais de recevoir un certain nombre de passagers, cela aurait un effet des plus favorables sur les autorités françaises, et conduirait ces dernières à en faire autant.
    Dans les heures qui suivent, Morris Troper accomplit ce que l’on pourrait appeler sinon un miracle, en tout cas un véritable exploit et ce, dans un délai incroyablement court.
    Une information de première importance lui fut transmise aux alentours du 9 juin : près de sept cent cinquante passagers étaient en possession de visas d’immigration parfaitement avérés pour les États-Unis, et attendaient leur tour sur la liste des quotas. L’information pouvait peser d’un poids non négligeable dans les négociations en cours, puisqu’elle laissait sous-entendre que les réfugiés ne seraient qu’en situation de transit, et que par conséquent ils ne risquaient pas d’être à la charge des États concernés. L’information fut confirmée.
    De son côté, Louise Weiss intervint auprès de la Children’s Aid Society, en français l’Œuvre de secours aux enfants ( OSE ). Il s’agissait d’une institution juive créée dans les premiers temps de l’Union soviétique, en 1912, et qui en 1933 avait installé son quartier général à Paris. Initialement, elle s’était fixé comme tâche de contribuer à l’hygiène des enfants juifs orphelins et de subvenir à leurs soins médicaux. Mais assez rapidement, elle se consacra exclusivement au destin des enfants réfugiés. Suite à l’intervention de M me  Weiss, l’ OSE fit savoir qu’elle était disposée à héberger cent cinquante enfants parmi ceux qui se trouvaient sur le Saint-Louis.
    Parallèlement, Morris Troper restait en contact permanent avec le directeur du Joint à Londres, M. Baerwald, à qui incombait la délicate mission de convaincre le gouvernement britannique. Une tâche identique avait été dévolue à Max Gottschalk, l’alter ego de Baerwald en Belgique.
    Le 10 juin, Guy de Rothschild, secondé par l’un de ses amis, M. Braunschweig, déposa une requête auprès du gouvernement français pour que la moitié des passagers soient accueillis à Tanger, au Maroc, alors sous protectorat français. En échange de quoi, le Joint assumerait le coût de leur séjour, jusqu’au moment où ils partiraient pour leur destination finale. La garantie fut estimée à cent cinquante dollars par an et par passager.
    Ce même jour, sous la double pression de Baerwald et – il faut le souligner – de Joseph Kennedy [77] , ambassadeur des États-Unis à Londres, le gouvernement britannique accepta que l’affaire du Saint-Louis soit « évoquée à titre exploratoire » auprès d’un membre subalterne du personnel du ministère de l’Intérieur. Le résultat de la rencontre, comme devait le souligner Baerwald, n’eut rien de prometteur. « Pour quelle raison la Grande-Bretagne devait-elle venir en aide, alors qu’elle ignorait tout de ces passagers et que, à La Havane, le comité américain de secours s’était révélé incapable de leur tendre une main secourable ? »
     
    Et pendant que des hommes de bonne volonté luttaient pied à pied pour les sauver, les passagers du Saint-Louis ne baissaient pas les bras et continuaient de se battre avec leurs modestes moyens.
    Désormais, la salle de radio était devenue le point de réunion du comité. Des télégrammes étaient rédigés et expédiés à travers le monde.
    La Hapag ayant refusé de maintenir la gratuité des messages, leur financement était assuré par les passagers eux-mêmes, qui donnaient en gage leurs bijoux, leurs vêtements aux membres d’équipage.
    La supplique envoyée au Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, ne fit pas exception.
    907 PASSAGERS À BORD DU PAQUEBOT SAINT-LOUIS MOITIÉ FEMMES ET ENFANTS REFOULÉS À CUBA MALGRÉ PERMIS DE DÉBARQUEMENT ET À PRÉSENT EN ROUTE VERS HAMBOURG IMPLORENT REFUGE EN

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