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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ferons de notre mieux mais la vie du patient est dans la main de Dieu. Sa jeunesse et sa vigoureuse constitution sont sans doute ses meilleures armes…
    Sans un mot, alors, Pongo était entré dans la chambre. Un long moment, il avait regardé Gilles puis, sous l’œil effaré de la baronne, il avait ôté sa perruque, découvrant son crâne rasé et la mèche de cheveux noirs qui en ornait le sommet, ouvert sa chemise pour prendre sur sa poitrine le petit sac de peau qui ne le quittait pas et qui contenait ses talismans personnels et il l’avait passé au cou du moribond.
    — Moi rester ici auprès de seigneur Gerfaut ! déclara-t-il avec hauteur à la jeune femme stupéfaite. Moi ne plus quitter jusqu’à ce que Grand Esprit décide de vie ou de mort. Si c’est mort, elle devra passer sur corps de Pongo !
    Puis, les jambes croisées et l’échine aussi raide qu’une baguette de fusil, il s’était assis sur le tapis, au pied du lit et, croisant ses bras sur sa poitrine, il avait entamé une interminable attente qu’il n’interrompait qu’à de très rares intervalles et seulement pour quelques instants, afin de satisfaire aux obligations naturelles d’un corps humain ou pour calmer d’un mot, d’un geste, les angoisses de la baronne.
    Or, si la présence de l’Iroquois impressionnait les domestiques de la maison et faisait régner autour de la chambre une sorte de crainte sacrée, Aglaé s’habitua très vite à voir dressée au pied du lit cette statue de cuivre qui ressemblait à quelque dieu tutélaire venu là pour défier la mort d’approcher. Ils passaient de longues heures face à face sans prononcer une seule parole et la jeune femme tirait un curieux réconfort de cette longue confrontation car Pongo savait rendre ses silences plus éloquents que les plus longs discours.
    Quant à Winkleried, il avait complètement disparu depuis le premier jour, se bornant à informer Mme d’Hunolstein qu’il serait sans doute absent pendant quelque temps. On ne l’avait pas revu.
    Une nuit, alors que Gilles était aux prises avec l’un de ses rêves affreux et s’agitait dans son lit à tel point que Pongo ne parvenait plus à le maîtriser, les démons qui assiégeaient l’esprit enfiévré du jeune homme disparurent brusquement. Leurs images grimaçantes firent place à un regard fixe et étincelant tout à la fois, deux yeux immenses, sombres et lumineux qui plongeaient jusqu’à l’âme du blessé et lui apportaient le soulagement en lui faisant rompre soudainement ses amarres. C’était comme si l’esprit se dégageait du poids intolérable de la chair souffrante et planait au-dessus d’elle à la manière d’un oiseau sur une bête abattue.
    À cet instant, Gilles « se » vit lui-même étendu dans un lit aux draps en désordre au milieu d’une chambre qu’il ne connaissait pas. Il vit une femme brune, très belle, dont le visage ne lui était pas inconnu. Il vit Pongo debout, les bras croisés au fond de la pièce, impassible auprès d’un Winkleried couvert de boue et qui semblait exténué. Enfin, il vit… Judith qui sanglotait à genoux auprès de ce lit où gisait son double de chair, la tête contre le drap dans la position même qu’il lui avait vue à Hennebont, la nuit où était mort son père.
    Il y avait encore un autre homme, et en fait c’était lui qui tenait le centre du tableau. Un homme de taille moyenne, vigoureusement bâti, entièrement vêtu de noir mais avec des mains admirables et couvertes de pierreries qui effectuaient devant les yeux clos du moribond des gestes étranges, doux et cependant pleins de force, qui arrachaient des éclairs à ses bagues. En même temps il murmurait des mots bizarres dans une langue inconnue et cet homme c’était Cagliostro…
    Gilles le reconnut sans surprise, sans colère non plus comme si sa présence devant son lit de mort eût été chose toute naturelle. Des hauteurs où son âme planait les gangrènes morales de la terre perdaient toute signification et elle pouvait sentir alors que les intentions du médecin étaient bonnes.
    Lorsque ses mains eurent achevé leur curieux ballet, le médecin tira de sa poche une petite fiole de verre brun, en versa quelques gouttes dans la bouche entrouverte du blessé et tendit le flacon à Pongo qu’il avait appelé d’un geste.
    Et puis il n’y eut plus rien. L’esprit déjà errant du chevalier réintégra son enveloppe épuisée et sombra avec elle, enfin apaisée,

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