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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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cependant, ses muscles n’avaient joué aucun rôle, l’avait épuisé.
    — J’en ai… pleinement conscience, vous savez ? Mais… il y a tant de choses… que je voudrais savoir…
    — Vous aurez tout le temps de poser une foule de questions car vous n’êtes pas à la veille de remonter à cheval et de courir les routes… Alors, pour le moment, tenez-vous l’esprit en repos.
    Il sortit ses mains des draps, les étendit devant lui. Elles étaient si maigres qu’elles paraissaient interminables : des os articulés recouverts d’un peu de peau.
    — J’ai tellement changé ?
    — Vous voulez en juger ?
    Elle alla jusqu’à une petite table, y prit un miroir à main qu’elle tendit au jeune homme, sans lui dire qu’à plusieurs reprises ce miroir avait servi à s’assurer qu’il respirait toujours.
    Ce qu’il y vit n’avait rien d’agréable. Sous la peau irrémédiablement basanée par trop de soleils et de vents marins pour jamais perdre son hâle, la chair avait fondu ne laissant que l’ossature hardie et au fond des orbites creuses deux yeux sans couleur bien définie mais où, dans la grisaille générale, n’apparaissait aucune trace de bleu.
    Aglaé, cependant, ne le laissa pas contempler longtemps cet affligeant spectacle. Doucement, mais fermement, elle lui ôta la glace.
    — Voilà ! Si j’ai permis que vous vous regardiez, mon ami, ce n’est pas par cruauté c’est pour que vous compreniez qu’il vous faut être très raisonnable si vous voulez retrouver aussi vite que possible votre superbe apparence. Cela dit, je ne vous rendrai cet objet que lorsque ce que vous pourrez y contempler me conviendra ! Et maintenant, dormez ! On vous apportera à manger dès que le médecin vous aura vu.
    — Qui est le médecin ?
    — Un jeune savant fort intelligent et fort habile qui exerce à l’hôpital de la Charité : le docteur Corvisart…
    — Ah !…
    Il était déçu car il avait espéré un autre nom. En retrouvant une conscience à peu près claire, il s’était ressouvenu de l’étrange rêve qui lui avait montré Cagliostro à son chevet et surtout Judith, effondrée près de son lit et pleurant toutes les larmes de son corps, les lèvres collées à sa main.
    Mais apparemment ce n’était rien d’autre qu’un songe engendré par le délire et par ce besoin douloureux qu’il éprouvait de la présence de la jeune fille. L’épreuve qu’il subissait lui faisait prendre une conscience exaspérée de la profondeur de son amour. Judith !… Elle avait suscité le premier battement d’un cœur d’homme dans une poitrine d’adolescent, elle avait, par le charme innocemment pervers de sa beauté, éveillé son premier désir. Aucune autre, jamais, ne pourrait occuper la place qu’elle avait prise et Gilles savait bien, à présent, qu’en étreignant d’autres femmes il n’étreindrait jamais que le vide, car il avait été écrit depuis toujours, dans le livre du Destin, qu’il ne constituait qu’une moitié d’un tout dont le nom était peut-être Bonheur mais dont l’autre moitié s’appelait Judith…
    Alors, parce qu’il n’avait plus de question vraiment importante à poser, Gilles tourna la tête vers le mur, ferma les yeux et s’efforça de se rendormir pour essayer au moins de retrouver son rêve…
    Lorsque Corvisart vint, un peu plus tard dans la journée, visiter son malade, il se montra extrêmement satisfait encore que passablement surpris du changement extraordinaire survenu en quelques heures : les blessures se refermaient, le drain que Pelletan avait posé après la ponction n’avait plus rien à rejeter, la respiration se régularisait et tout rentrait dans l’ordre.
    — C’est extraordinaire, avoua-t-il avec une grande honnêteté. Ce poumon semblait ne devoir jamais s’arrêter de saigner, le patient n’avait plus que quelques heures à vivre et je me sentais cruellement impuissant et puis, tout s’est arrangé sans que je puisse dire pourquoi… Je n’oublierai jamais ma surprise d’hier soir en le découvrant dormant paisiblement alors que je m’attendais à un tout autre sommeil… Dans ce cas, ajouta-t-il en souriant, mon ordonnance d’aujourd’hui tiendra en deux mots : nourriture et repos. Il faut à présent laisser faire la nature qui semble se débrouiller si bien dans ce jeune homme…
    Gilles eut son café et se sentit plus fort. Il en éprouva une joie presque enfantine. Après l’enfer qu’il avait

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